Pouvait mieux faire


Lors des élections présidentielles du 16 novembre 2001, le « Comité des Affaires Nationales et de la Lutte contre la Corruption et l’Injustice » (KFPAFT/CANLCI) au sein de l’église FJKM avait reçu l’agrément (en date du 5 octobre) du CNE d’alors (Conseil National Electoral) pour participer à l’observation des élections. Dans une lettre du 24 octobre 2001, le Président dudit Comité CANLCI, Emile Ramarosaona, décrivait, ni plus ni moins que le maillage serré du territoire national dont peut être capable la FJKM. « La FJKM se propose de déléguer deux (2) observateurs dans chacun des bureaux de vote prévus (18.000 environ) dans le pays (...) la FJKM, pour atteindre et pour faire participer efficacement ses fidèles, entend s’appuyer sur l’intégralité de son organisation structurelle, verticale et horizontale, à savoir sur les trente cinq (35) synodes régionaux répartis en soixante dix-neuf (79) divisions géographiques et qui comptent cinq mille (5.000) paroisses et environ douze mille (12.000) lieux de culte ». Cette année 2018, on comptait 24.852 bureaux de vote : gageons que la FKJM, et l’ensemble du FFKM, aurait été en mesure d’accréditer deux scrutateurs dans chacun de tous les bureaux de vote. Performance considérable apparemment puisqu’aucune organisation politique n’était en mesure d’assurer une telle couverture exhaustive. Attestant au passage le faible ancrage local des partis politiques malgaches. L’idée en avait été lancée au niveau de la société civile, mais, malheureusement, les diverses officines engagées dans l’observation de ces élections de 2018 n’avaient pas pu se mettre en « cluster », privant les analyses, les commentaires et les critiques d’une vision panoramique riche d’une revue du détail. Il est toujours en effet quelque peu présomptueux de tirer des conclusions, non seulement provisoires mais surtout partielles, en arguant de l’expression bien connue (surtout pour son approximation) d’un « échantillon représentatif ». À titre d’exemple, l’Observatoire Safidy dit avoir déployé 7.350 observateurs, dans 34 districts, de 7 Régions (sur 22), couvrant 9.350 bureaux de vote... Un adage juridique veut que « actori incumbit probatio », la charge de la preuve incombe à l’accusateur. Que le camp du candidat numéro 25 dénonce des fraudes, soit, mais quelle preuve apporter de ce qui a pu se passer dans 15.000 autres bureaux de vote quand on n’a été soi-même présent que dans 10.000 ? Un puzzle électoral est-il au moins possible, par l’addition des diverses bonnes volontés éparses, à mettre à la disposition de la Haute Cour Constitutionnelle qui trace par le menu ce qui sinon, reste au mieux conjectures, au pire fantaisies ? Un appel d’offres en ce sens n’était-il pas plus judicieux, plus urgent, et plus constructif (« mpanangana ») que cet appel à manifestation d’hystérie sur la Place du 13 mai ? J’étais encore étudiant quand je déplorais déjà ce « rituel de la rue » (Merci au Madagascar Tribune du début des années 1990, et à Franck Raharison, d’avoir publié mes écrits impulsifs sur une actualité alors, déjà, compulsive). Des institutions existent, des procédures sont prévues : pourquoi ne pas monter un dossier plutôt que d’aller exciter le chaland sur cette Place du 13 mai dont, jamais, aucune éruption n’a été bénéfique ni à l’ordre, ni à la discipline, ni à la morale, ni à la hiérarchie, ni à l’Etat, ni à la société, ni même à chacun des badauds qui se font martyrs à l’occasion. Pas plus à l’époque que maintenant, vingt-sept ans après le 10 août 1991, je n’arrive à comprendre le ressort psychologique du militantisme : celui de ceux qui arborent le tee-shirt à l’effigie d’Untel, comme celui de ceux qui se mobilisent sur la Place du 13 mai à l’exhortation de rhéteurs de barricades. Déjà endoctrinés, oseront-ils jamais songer que tout n’a peut-être pas été parfaitement fait en amont ? N’ayant jamais mis les pieds Place du 13 mai, je suppose que les cris et la clameur de ce samedi 29 décembre 2018 devaient être en tous points semblables à ce qu’on entendait déjà de fanatisme à la radio, le 13 mai 1972. Cette date, et toutes celles (1991, 2002, 2009, et donc 2018) qui s’inspirent de son fâcheux précédent, à en faire une jurisprudence, mieux une coutume incontournable de la politique malgache, symbolise les pertes successives de la supériorité morale qui voient notre pays dans l’abîme : un « rebik’ondry » tout à fait comparable à ce que nous en dit l’évangile de Luc, quand un troupeau de cochons « possédés » se précipita sans raison autre que mystique dans le lac de Galilée.
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