La reine Ravahiny, le dernier grand souverain du Boina


Les royaumes des Sakalava, peuple rassembleur, sont bien organisés, avec au sommet, le roi, « Dieu de la Terre » et vénéré comme tel de son vivant, puis à travers les Dady, ses reliques, une fois qu’il a quitté ce monde (lire précédente Note). Après lui, se trouvent les Volamena ou Zafimbolamena, fils de la première épouse, qui tiennent du roi les fiefs (fahitra) les plus importants. « Car la terre, dans cette société de pasteurs était la richesse essentielle nourricière du troupeau et des hommes, marque de l’autorité et de la puissance », apprend-on dans l’ Histoire de Madagascar de 1967. Viennent ensuite les Volafotsy ou Zafimbolafotsy, fils des autres épouses non nobles mais de castes libres, qui « inférieurs aux premiers », ne peuvent prétendre aux grands honneurs. Le peuplement est dispersé, les groupes séparés par des terrains de parcours étendus et déserts. Les moins nobles, les mécontents partent à la conquête de ces espaces, « accrochant au pays les noms des chefs et leurs exploits, que la tradition conservait plus ou moins exactement ». Selon les auteurs de l’ouvrage, des Zafimbolafotsy « intrépides » conquièrent leurs fiefs au cours d’expéditions « téméraires » dans les marches (les pays frontières), l’Ankarana, par exemple. Andriandahifotsy, disent certains, « était un Volafotsy ». En outre, le nomadisme pastoral, la rudesse et les contraintes du milieu géographique marquent profondément cette société. C’est une féodalité de pasteurs qui repose sur l’esclavage. Au cours des razzias de plus en plus lointaines et des luttes de clans, des familles entières sont capturées et réduites à la servitude. « Elles grossissaient le troupeau des andevo. » Avec les bœufs, les esclaves sont la chose du maitre et le signe le plus visible de sa puissance. « Comme les bœufs, on les vend dans les ports du Menabe et du Boina (Boeny). Les traitants étrangers offrent des armes pour se procurer des denrées rares, des cargaisons d’hommes, de femmes, d’enfants même, qu’ils vendront dans les colonies de l’océan Indien, en Orient et parfois, dans les Amériques. » D’après les historiens, le nomadisme, les déplacements fréquents des pasteurs et des troupeaux, l’aridité des grands espaces où l’herbe ne pousse qu’au hasard des pluies, expliquent le caractère mouvant des limites, les imprécisions des frontières des royaumes et des fiefs. Et finalement, « les distances à parcourir, la faiblesse des densités, la mobilité des villages temporaires et des groupes créent une instabilité générale et rendent la féodalité sakalava turbulente et la royauté fragile ». Néanmoins, la façade occidentale de la Grande ile ouverte au commerce, contrôlée par les rois, leur donne la supériorité des armes et de la richesse. Vers 1780, une grande reine, Ravahiny, apparait dans le Boina. Elle est l’héritière de la lignée d’Andriamandisoarivo et du royaume. Sa richesse vient de l’importance du commerce antalaotra et arabe dans le Nord-Ouest de l’ile, au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Depuis près de cinquante ans, Mahajanga enrichit les rois du Boina. Les commerçants étrangers doivent s’y rendre avant de traiter leurs affaires. La Cour de Ravahiny fascine les envoyés des autres souverains malgaches et excite les convoitises. Le Français Dumaine, en 1792, peut mesurer l’autorité et le prestige de la souveraine : Mahajanga lui appartient, elle nomme les chefs des commerçants, contrôle leur trafic et prélève sa part. Elle est en cela soutenue par ses troupes mieux armées et mieux récompensées. Mais si elle parait puissante, la turbulence des clans et des chefs, l’humeur belliqueuse des Ampanjaka, les rois vassaux, et des Anakan­driana, leurs enfants, demeure un réel danger pour la cohésion du grand royaume. À préciser que la reine Ravahiny accepte l’amitié d’Andrianampoinimerina car les commerçants de l’Imerina viennent jusqu’à Mahajanga, s’y établissent même, pour échanger au compte de leur roi, des esclaves contre des bœufs. Ravahiny meurt en 1808, deux ans avant son homologue merina. Selon les historiens, elle est le dernier grand souverain sakalava, car « les forces de désagrégation emportent le royaume après sa mort, alors que la puissance du voisin merina s’affirme ». Sur les Tampoketsa, pratiquement déserts, se prépare l’un des affrontements des deux armées, un des épisodes essentiels de la grande marche vers l’unité du pays.
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