Tsy fanaka, tsy malemy


Mystère. Enveloppé dans son lambahoany gris, un visage marron si fin et si jeune. Envoûtant, c’est le mot qui pourrait définir le plus exactement le ressenti à la vue de ce sourire et ces yeux. Autant l’expression de la Joconde peinte par Léonard de Vinci est restée jusqu’à nos jours une énigme, autant ce tableau né des pinceaux de Naty Kaly réveille les mêmes sentiments. Un chef-d’œuvre indescriptible qui porte un nom plus qu’évocateur : « tsy fanaka, tsy malemy » littéralement traduit en « ni mobilier, ni faible ». Ni faible, ni mobilier. Avec ce titre des lignes lourdes de sens qui brossent le tableau de ce qui est explicité dans ces yeux révolvers. La première phrase est interrogative : « Qui dispose du corps de la femme ? ». Réponse : « la femme ». Cette dernière doit être libre. Une société qui ne permet pas à la femme d’être ce qu’elle est, de devenir ce qu'elle est, est une société d'oppression. Un État qui prive la femme de cette liberté fondamentale n’est pas un État de droit, mais une dictature, et une dictature doit tomber. Le peintre conclut comme ceci « Tout n’est qu’une question de temps ». En attendant que le temps du changement vienne ; le temps passe. Passent les oppressions sur la femme et sur son droit d’être libre de ses choix et de son corps. Les évènements des derniers jours montrent et démontrent que la femme, à Madagascar, est une proie. Les photos nues de la députée circulant sur les réseaux sociaux, l’une d’elle reprise en première page par un journal irresponsable, illustrent énormément de choses. Premièrement, le corps de la femme est sujet à chantage et celle à qui on fera du tort trouvera très sûrement son corps et ou ses ébats amoureux sur la place publique. N’a-t-on pas eu les mêmes règlements de comptes par des cas tout à fait similaires ? Il faut aussi le dire que même dans des « grands corps » comme dans les petites entreprises, on abat une femme en étalant son corps à la moquerie. Déshabiller une femme devant tous pour qu’elle meure de honte et perde sa notoriété, c’est la stratégie utilisée. Du moment que la femme accepte cette honte, elle ne peut que donner raison à ses détracteurs. A-t-on déjà vu des photos d’hommes nus sur les réseaux sociaux à Madagascar ? Si jamais un jour cela se produit, est-ce qu’on le culpabilisera ? Alors mesdames, tout est dans la tête. Pourquoi ressent-on le devoir d’expliquer quoique ce soit sur des photos intimes qu’on a faites ? Puis, pourquoi devra-t-on être coupable de voir nos atours au grand jour ? Le pire des prisonniers est celui qui accepte de l’être. Bob Marley ne disait-il pas de nous émanciper nous-même de l’esclavage mental ? Quoi de plus beau que le corps d’une femme qui est la source du monde. C’est lui qui porte chaque être humain, chacun de nous y a passé généralement sept-neuf mois. Mais le corps de la femme est aussi sa première prison. Alors arrêtons. Libérons-nous de cette honte de notre corps dans laquelle on nous a enfermées depuis la petite enfance. Cessons d’accepter que d’autres puissent décider de ce qu’on peut faire ou non de notre corps. Arrêtons d’accepter que des gens malintentionnés nous manipulent en suscitant des élans de culpabilisation des femmes par rapport à leurs corps. Tsy fanaka, tsy malemy ; il faut le dire tout haut et agir en conséquence car qu’on soit Député de Madagascar, artiste, diplomates, secrétaires, maitresses d’école, pasteur ou ingénieur informaticien on n’est pas à l’abri de telles manipulations. Par Mbolatiana Raveloarimisa
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