L’État pathologique de notre démocratie


Grand dilemme pour les uns, sujet d’indifférence pour d’autres, la période particulière de cette année qui, ces derniers mois, a atteint la phase qui précède le climax, a aussi réveillé le fanatisme d’une frange de radicalisés. Une configuration qui n’est pas étrangère à la formation des premiers nuages qui présagent l’assombrissement de l’atmosphère déjà délétère avec, outre la scission sociale enfant du fanatisme, une autre « menace », qui s’apparente surtout à un pétard mouillé, tente d’implanter le spectre d’un report voire d’une annulation via différentes doléances plus-ou-moins légitimes. Sur le banc des accusés, une liste électorale, avec des bizarreries qui n’ont pas échappé à l’œil averti de certains, une liste accusée d’être une complice en puissance d’une manipulation des voies. Cependant, au-delà de ce problème à polémiques, se trouve une situation politique aux vents dirigés par l’ignorance, le fanatisme et autres maux qui nous gangrènent. Le philosophe américain Cass Sunstein, dans son livre #Republic: Divided Democracy in the Age of Social Media (2017), écrit : « dans une démocratie fonctionnant bien, les gens ne vivent pas dans des chambres d’échos ni dans des cocons informationnels ». La Démocratie est en crise quand on ne peut réfréner cette pulsion irrépressible qui, machinalement, nous fait liker et partager des informations superficielles répandues par ce que le penseur américain appelle « cascades informationnelles ». Quand l’énorme espace public qu’est devenu internet est pollué par des attaques qui consistent en des « informa­tions » qui se pervertissent en affirmations gratuites qui pêchent par un défaut facilement décelable pour un sujet ayant un minimum d’esprit critique : le manque de preuve ou l’ambiguïté des images présentées comme preuves, mais qui, en seulement quelques secondes, deviennent virales, on ne peut qu’une nouvelle fois déplorer l’état de l’esprit critique général dont on connaît la sensibilité aux rumeurs. Lorsque Mark Zuckerberg a été auditionné par le Congrès américain, le rôle des fermes de trolls, montées par les Russes, dans l’élection de Donald Trump a été évoqué. Si l’histoire de l’un des meilleurs modèles de démocratie a été chamboulée par cette nouvelle forme de manipulation, dans une démocratie balbutiante comme la nôtre, ces manipulations de l’opinion ont apporté leur lot de divisions et une grande contribution à la radicalisation. Les assoiffés de pouvoir et leurs fanatiques ont compris comment exploiter à leur profit cette perméabilité du réservoir d’électeurs à la rumeur. Le débat démocratique est aujourd’hui rendu impossible par le fanatisme d’un nombre considé­rable de radicalisés de différents camps pour lesquels leur vérité est absolue et devrait être chérie par tout le monde. Toute autre « vérité » est tout simplement intolérable. Ainsi vivons-nous dans un climat où le dogmatisme de chaque camp amène la haine de l’autre. Je ne mets pas dans cette caté­gorie d’extrémistes tous ceux qui, le jour J, feront leur devoir de citoyen : il y a heureusement ceux qui sont conquis par des idées et non par une personne. Mais le jeu démocratique est pourri quand on est obligé de prendre en compte le poids énorme mis dans la balance par ceux qui, sans connaître personnel­lement leur champion avec ses défauts et ses faiblesses, s’identifient à la personnalité idolâtrée par un phénomène que la psychanalyse appelle « introjection » : ils sont les martyrs quand le candidat, qui ne leur a jamais parlé mais qui est l’objet d’un culte démesuré, est attaqué. Tant que l’esprit critique est plongé dans cette hibernation dont la durée demeure indéter­minée, on restera une démocratie de façade où le pouvoir du peuple n’est qu’une illusion. La véritable Démocratie repose, en grande partie, sur la qualité de l’instruction publique, seule à même de réveiller l’esprit critique, de permettre au peuple d’exercer son pouvoir en toute lucidité et de mettre ainsi un terme au pouvoir de l’argent tant décrié ces derniers temps. Est-ce alors vraiment étonnant si aucun effort palpable n’a été fait dans ce domaine ? par Fenitra Ratefiarivony
Plus récente Plus ancienne