Moralité d’une démission


Nicolas Hulot, ministre de la «transition écologique», 17 mai 2017 - 28 août 2018. Celui qu’un poste de ministre n’a jamais fait rêver, aura pourtant réussi à faire du département Écologie le numéro deux du gouvernement français. Joli coup de communication, mais symbolique insuffisamment forte pour remporter les arbitrages face aux différents groupes de pression qui n’ont cure que la planète Terre se fâne tant que fleurit leur modèle économique. Si la nomination de Nicolas Hulot avait pu paraître comme un beau coup de filet réussi par le tout nouveau président français, le système avait fini par ingurgiter le «Monsieur Écolo» tout comme il avouait avoir avalé beaucoup de couleuvres. Mais, une démission de cette importance, et dans un tel fracas, sert aussi de coup médiatico-socio-politique : dénoncer depuis une tribune privilégiée et attirer, enfin, l’attention sur des sujets qui font rarement la Une : «Je ne comprends pas que nous assistions les uns et les autres à la gestation d’une tragédie bien annoncée dans une forme d’indifférence. Notre planète est en train de devenir une étuve. Nos ressources naturelles s’épuisent. La biodiversité fond comme la neige au soleil. Et ça n’est toujours pas appréhendé comme un enjeu prioritaire et surtout, et ça vaut pour la communauté internationale, on s’évertue à entretenir, voire à réanimer, un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres. Je ne comprends pas comment après la COP21, après un diagnostic imparable qui ne cesse de se préciser et de s’aggraver de jour en jour, ce sujet est toujours relégué dans les dernières priorités». Le ministre Nicolas Hulot s’était fixé des objectifs : sortie du nucléaire (à 50% d’ici à 2025), fin de l’essence et du gasoil (d’ici 2040), fin de la production d’électricité provenant du charbon (d’ici 2022), éradication des «passoires thermiques» (d’ici 2027), interdiction de l’herbicide glyphosate (d’ici 2021), neutralité carbone (d’ici 2050). L’homme avait des engagements qui lui tenaient également à coeur : arrêt de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, réforme du Code minier, objectif 50% bio dans les cantines, états généraux du bien-être animal... Le ministre en sa foi naïve et l’homme dans son enthousiasme généreux auront été déçus. Constat d’échec, aveu d’inutilité. Son interpellation vaut pour tout le monde et titille plus particulièrement un pays comme Madagascar, à l’exceptionnelle biodiversité mais sous la menace de multiples formes de prédation (après le saccage du «Ala atsinanana», la couverture forestière du Sud-Ouest serait à son tour en voie de disparition) : «Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l’érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à se mettre en situation d’arrêter l’artificialisation des sols ? La réponse est non. Est-ce que les petits pas suffisent à endiguer, inverser et même à s’adapter, parce que nous avons basculé dans la tragédie climatique ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à réduire les gaz à effet de serre ? La réponse est non». Initiateur d’un «Pacte écologique» ou «Envoyé spécial pour la planète» voire Ministre éphémère, pour nous, téléspectacteurs depuis ce bout du monde à la «Nature Cinq Étoiles», Nicolas Hulot fut et restera le présentateur casse-cou d’Ushuaïa (1987-2011). Un «Tintin» égaré chez les Rackham le Rouge de la politique flibuste. «Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur des enjeux», justifia l’écologiste pour expliquer sa démission comme ministre. Arriver au bout de ses contradictions ? C’est sans doute cela aussi cette «décision d’honnêteté» qu’on nous souhaite à tous d’avoir toujours le courage.
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