Les sites disparus du Rova d’Antananarivo


«Dans une courette intérieure, étroite et profonde, entre de hauts murs où poussent de sombres bibassiers et où se meurt le tronc noueux d’un pied de vigne planté, dit-on, par Jean Laborde, une case s’abrite. » Cette description du publiciste Urbain-Faurec en 1952, correspond à « Mahitsielafanjaka », une case typiquement malgache érigée dans le Rova d’Antanana­rivo. Elle est « faite de bois lourd, grossier, à peine équarri, au toit de chaume démesuré ». L’auteur précise qu’elle semble écrasée et humiliée parmi tant de pavillons gracieux et de tours imposantes. C’est la demeure d’Andrianampoinimerina, le grand monarque, « fondateur de la dynastie, conquérant et organisateur, à qui la chance dans les combats, alliée à un sage esprit de justice, permit d’instituer une paix féconde dans un empire agrandi ». Le nom de cette case qui signifie « un esprit droit règne longtemps », n’est pas très exact pour ce roi qui ne règne que de 1794 à 1810, selon Urbain-Faurec. « Du moins fut-il de bon augure pour la puissance qu’il fonda et qui dura jusqu’à la conquête européenne. » L’intérieur de la case qui date de 1796, ne contient que deux plateformes de planches frustes : le lit du roi et celui des reines. Si celui-ci se trouve être de beaucoup le plus vaste, c’est que le roi Andrianampoinimerina est rusé. En épousant douze femmes issues de douze familles régnantes des environs d’Antananarivo, il « s’était assuré, par les liens du mariage, l’alliance et, plus tard, la soumission de ces douze royautés rivales ». Poursuivant la description des palais du Rova d’Antananarivo, le publiciste parle des portiques sans porte, des voûtes aux cintres branlants, des pans de murs verdis et des fûts de colonnes épars attestent encore, çà et là, la présence antérieure de bien d’autres constructions sur le vaste plateau du Rova. Ce sont notamment Kelisoa où, sous Radama Ier, on enferme les animaux sacrés ; Menalefona, parc du bœuf favori d’Andrianampoini­merina ; Besakana et tant d’autres « aux noms malgaches imaginés et évocateurs ». Tout au fond du plateau, enbordure du mur d’enceinte, se trouve le temple, surmonté par une longue flèche acérée, où Ranavalona II et Ranavalona III aiment à assister aux offices. De style roman, il date de 1880 et est bâti sur l’emplacement d’une maison qu’a habité Ranavalona II. « Comme un défi païen à la religion nouvelle», adoptée par les souverains merina, s’élève tout près du temple, le Tranomasina, ou maison sainte, sorte de dépositoire pour les corps des rois où se pratiquent alors les innombrables rites purement malgaches avant l’ensevelissement. À côté, en 1952, on voit encore les restes de Besakana qui a été une demeure de Ranavalona Ire et qu’a construit Andrianjaka, premier roi hova d’Antananarivo et fondateur du Rova. C’est également à cet endroit qua eu lieu le fameux sacrifice de Trimofoloalina. Lors du retour de sa captivité à Ambohidratrimo où il reste sept ans, les sujets du roi Andriamasinavalona (1675-1710) décident, en signe de foi, un sacrifice humain. Un fidèle, Trimofoloalina, s’offre spontanément pour être immolé. Mais on se contenta d’un simulacre. « On répandit, en hommage au souverain, le sang d’un coq, égorgé sur le sein de Trimofoloalina. Une inscription placée sur le lieu de ce sacrifice en perpétue le souvenir. » De quelque part que se dirige le regard du haut du Rova, la vue s’étend sur des immensités de rizières et de collines arides où « l’ombre des gros nuages crée, en se déplaçant, des aspects variés. Les couchers du soleil y sont remarquables, tant est grande (à l’époque !) la pureté de l’air des Hauts-plateaux ». De chaque côté de la colline d’Analamanga appelée plus tard la Haute-ville, deux autres l’encadrent : vers l’Ouest, la colline d’Ambohijanahary toute striée, du sommet à sa base, des larges tranchées qu’y fait creuser Radama Ier, « dans l’espoir que le travail des eaux et l’érosion achèveraient son œuvre et anéantiraient ce point stratégique inquiétant ». Depuis, sur son sommet se trouve le Fort-Voyron. Vers l’Est, la colline d’Andrainarivo, se trouve le Fort-Duchesne sur l’emplacement de tir des batteries qui ont réduit en 1895, la résistance merina. À quelques pas du Rova, accrochée à la pente, se détache « la masse imposante, baroque et bariolée du Palais du Premier ministre. « La situation, légèrement en contrebas mais tout proche du Palais des reines, semble avoir été choisie pour rappeler que les Premiers ministres, époux des souveraines, étaient en fait les véritables maitres du Royaume. » Et au pied du Rova, en d’anciennes maisons, vit la population paisible, digne et silencieuse, des vieilles familles nobles « que n’ont point atteintes encore l’avidité et l’excitation de notre époque. Il semble que, vivant à l’ombre de ces murs tout emplis encore pour elles des souvenirs d’un passé proche, elles veuillent rendre un ultime hommage à ceux qu’elles servirent fidèlement ».
Plus récente Plus ancienne