Le prétexte Musset


Alfred de Musset est né le 11 décembre 1810. L’année de la mort d’Andrianampoinimerina. Le poète français décéda le 2 août 1857. L’année cette fois du complot (juin-juillet) qui devait mettre le prince Rakoto sur le trône en lieu et place de sa mère Ranavalona. Entre-temps, Alfred de Musset finit par entrer à l’Académie française, en 1852, l’année de la mort de Rainiharo, chef de la famille des Andafiavaratra qui reçut de la reine Ranavalona des funérailles princières jusqu’à sa dernière demeure, le «Fasan-dRainiharo», aujourd’hui devenu point de repère du quartier haut-Isotry. Quelques années plus tôt, Alfred de Musset avait publié son poème «La nuit de mai», en 1835, année de l’interdiction du christianisme (1er mars) et de l’achèvement de la traduction de la Bible en malgache (21 juin). «La nuit de mai». Il n’est pas mauvais que le prétexte (Musset) devienne quelque part, un instant fugace, le coeur du propos. De ce dialogue avec sa Muse que le poète appele «ma maîtresse et ma sœur», quelques morceaux d’anthologie : «quelque ennui, quelque amour, une ombre de plaisir, un semblant de bonheur ; dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu ; Éveillons au hasard les échos de ta vie ; Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie ; Inventons quelque part des lieux où l’on oublie». Et bien entendu : «Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur ; mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, que ta voix ici-bas doive rester muette ; les plus désespérés sont les chants les plus beaux, et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots». Déception, douleur, fureur : la reine Ranavalona avait-elle pu laisser échapper un sanglot de colère, en août 1857 ? «Sento mihamafy, tsy an-kiteniteny, sento lasalasa, sentom-pahoriana», écrira, sans bien entendu qu’elle le sache, Erzy-Arf, soixante-dix ans plus tard («Vetsovetso», Ny Telegrafy, n°41, 18 janvier 1927). «La Reine acharnée à faire sentir aux coupables le poids de sa colère, implacable dans sa vengeance, sourde et inexorable à toutes les supplications» psychanalyserait presque le Jésuite Adrien Boudou, comme un raccourci de toutes les caricatures prêtées à Ranavalona (in «Le complot de 1857», Collection de Documents, Académie malgache, tome 3, 1943, p.15). Il serait tentant de croire qu’aucun Vazaha (Étranger blanc) n’était présent en Imerina après le départ des derniers missionnaires en août 1836. Cependant, Jean Laborde vivait tranquillement à Antananarivo depuis 1832, ayant notamment mis en oeuvre son premier chantier d’Avaratr’Ilafy (Nord d’Ilafy, colline princière dans l’Avaradrano), construit le haut fourneau de Mantasoa (1841) et livré son premier canon (12 juillet 1844). Joseph Lambert, qui avait mis à la disposition des troupes de Ranavalona un navire pour ravitailler la garnison de Fort-Dauphin, fut autorisé à se rendre en Imerina. Il vint en 1855 assisté d’un «secrétaire» qui était en fait le Jésuite Marc Finaz, sous le nom d’emprunt de «Hervier». En 1856, le docteur Milhet-Fontarbie monta à son tour à Antananarivo soigner le cancer du nez de Rainimanonja, frère de Rainijohary, chef de l’autre famille des Hova d’Avaradrano, les Tsimahafotsy établis à Andrefandrova. À cette occasion, le médecin était accompagné de deux autres Jésuites, également venus sous une fausse identité : Louis Jouen alias «Duquesne» et Joseph Webber alias «Joseph». Grand rival des Jésuites, William Ellis, missionnaire de la LMS (London Missionary Society), était arrivé dans la Capitale fin août 1856. Mais, une des visites les plus singulières, à cette époque, reste celle de l’Autrichienne Ida Pfeiffer, qui séjourna à Antananarivo, étape de son tour du monde. Suite au complot de 1857, tous les Vazaha sans exception seront expulsés. Ida Pfeiffer allait mourir rapidement à son retour en Autriche (1858). En 1829, Alfred de Musset publiait son premier recueil «Contes d’Espagne et d’Italie» qui n’avait rien d’un journal de voyage en terre malgache (Bernardin de Saint-Pierre, lui, avait séjourné à l’île Maurice, anciennement «île de France», et en fit le fond de son roman «Paul et Virginie» paru en 1788). Cette année-là (juillet 1829), les jumeaux Rahaniraka et Raombana étaient de retour à Madagascar après huit années passées à Londres et Manchester. L’année précédente, 1828, Ranavalona, épouse du défunt Radama, mais surtout fille adoptive de Ralesoka, la sœur d’Andrianam­poinimerina, accédait au trône. Elle y restera 33 ans, un règne long, charnière, entre le XVIIIème siècle isola-nationaliste et les courants d’air du XIXème siècle qui allaient nous gripper. Mais, c’est une autre histoire. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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