Un grand danger pour les mineurs


Le Bureau international du travail finance en 2001, une étude sur l'exploitation sexuelle à visée commerciale (ESEC) des enfants. L'enquête est effectuée par Focus Develop­ment Association dans trois chefs-lieux d'anciennes provinces, Antsiranana, Toliara et Antananarivo. Selon cette étude, plusieurs facteurs décisifs amènent l'enfant (fille ou garçon) « à franchir le pas vers la pire forme de travail qu'est l'Esec ». Entre autres, elle cite le besoin pressant d'obtenir de l'argent; l'influence d'amies ou de membres de la famille qui exercent dans la prostitution; la vue de l'argent gagné par les professionnelles ou de leur train de vie, certaines ayant « réussi économiquement »; la compréhension voire l'encouragement de la mère ou de la tutrice (grand-mère, tante, etc.); l'absence de qualifications requises pour trouver un travail rémunérateur; l'espoir de rencontrer des hommes riches, étrangers notamment, qui cherchent des filles à épouser; le désir de se venger d'un petit ami qui a trahi ou de se lancer un défi. À Antsiranana et à Toliara notamment, la société tend aussi à considérer la prostitution féminine comme une activité normale. Dans les trois sites d'enquête, l'étude porte sur le cas de 93 filles et 19 garçons interviewés ainsi que 32 filles et 6 garçons participant à des groupes de discussion dirigée. Pour la plupart, si dans ces deux villes les premiers rapports sexuels ou homosexuels se font avec des « clients », dans la capitale une certaine période s'écoule entre les premiers rapports et l'entrée dans l'exploitation sexuelle. Et dans les trois villes, l'âge moyen des adolescentes à leurs premiers rapports est de 11-12 ans, tandis que pour les garçons, ils se situent entre 12-13 ans. « Ces données confirment la précocité des filles aux activités sexuelles et mettent, par ailleurs, en lumière l'existence d'activités homosexuelles, précoces également, chez les jeunes garçons et qui semblent un phénomène en émergence. » Il est à souligner qu'il existe aussi une minorité « d'enfants migrants » victimes de l'Esec. L'enfant y est entraîné par la séparation de ses parents et dans certains cas, le remariage de sa mère le place dans un autre environnement. À moins que la mésentente avec le (la) partenaire de la mère (père) ne le contraint à se trouver un gîte « ailleurs ». Cette migration d'adolescents vers la ville ou dans une autre ville peut aussi s'expliquer par la recherche de travail ou d'un mieux-être, la poursuite des études, un problème de santé qui nécessite de se faire soigner dans un grand hôpital, une mésentente avec les parents qui en arrivent à chasser leur fille ou garçon de la maison. Le transfert de l'enfant d'une famille d'accueil à une autre ainsi que son retour au foyer parental, après une enfance passée dans la grande famille, sont aussi cités. Étant donné leur âge, la plupart des enfants devraient encore se trouver à l'école. Mais il n'en est rien. Sur dix enfants enquêtés, deux sont inscrits dans un établissement scolaire, sept ont abandonné l'école, le dernier n'y a jamais mis les pieds. « Le problème concerne aussi bien les filles que les garçons. » Ces adolescents non scolarisés le déplorent, mais en ignorent la raison. Une infime minorité évoque l'inexistence d'écoles dans leurs anciens lieux de résidence. Selon une adolescente d'Antananarivo, « à la mort de ma mère, j'avais 7 ans, l'âge d'entrer à l'école, mais il n'y avait personne pour y penser ». Mais dans l'ensemble, les jeunes victimes de l'Esec interviewées ont fait en moyenne cinq années d'études pour les filles, six années pour les garçons. Enfin, en général ils abandonnent l'école vers 12 ans (11 ans à Antananarivo, 13 ans à Toliara pour les filles). « Ce qui tend à révéler l'existence de grandes disparités au sein des couches de la population tananarivienne qui est pourtant connue pour être la mieux lotie dans le pays en matière d'instruction. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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