Des institutions ancestrales de développement toujours valables


Un des problèmes du développement rural, notamment à Madagascar, est «la diffusion de la vulgarisation agricole», selon Jacques Dez. En 1960, le sociologue souligne que pour l’expliquer, on tend souvent à opposer jeunes et vieux, «les premiers seraient les seuls susceptibles de progrès, les autres freineraient le développement ». Il soutient que les partisans de ce concept se fondent pour cela sur des exemples. Il affirme pour sa part, qu’une telle opposition est surtout artificielle. C’est ainsi qu’il partage l’avis de personnes proches du monde rural. Des hommes qui participent à la vie rurale, qui travaillent en harmonie avec le milieu paysan, des agents d’encadrement, des instituteurs, pensent qu’il est impossible d’espérer raisonnablement des progrès sans s’acquérir la participation des vieux. « Si nous devons juger maintenant d’après l’ensemble des avis exprimés sur ce sujet, il nous semble que l’encadreur qui réussit, dit qu’il est possible de travailler avec les vieux, qu’il faut savoir se servir d’eux, et qu’il ne trouve d’explication aux échecs que dans l’existence de diverses conditions ou sujétions matérielles qui influent sur le comportement des paysans, voire dans celle de certaines structures gênantes. » Jacques Dez poursuit qu’en définitive, quand il y a refus de répondre favorablement à la vulgarisation agricole, «c’est qu’il s’agit de groupes qui ont été mal abordés par les encadreurs, ou de groupes qui ont une raison de ne pas être satisfaits de leur expérience antérieure». Rappelant le processus cumulatif du succès et de l’insuccès, il met en avant qu’un succès antérieur favorise un succès ultérieur même dans un domaine différent, et qu’un insuccès rend un groupe plus méfiant à l’égard des innovations. Il ajoute qu’il y a aussi les individus qui n’ont pas les moyens de procéder à l’innovation. «Par contre, nous nous garderons bien d’établir un clivage entre jeunes et vieux, il y a artifice à le faire. » Quelques années plus tard, lors de la séance inaugurale du IIIe Congrès de l’Institut de droit d’expression française, le 25 mars 1968, le ministre de la Justice Alfred Ramangasoavina, revient sur l’institution Fokonolona, qui reste toujours d’actualité, qui comme les vieux paysans, ne peut être écarté du développement communautaire. Il précise dans son allocution, qu’à la veille de l’indépendance de Madagascar, la République malgache, par son histoire et par son organisation administrative «apparait comme l’un des pays où la vie communautaire a eu et continue d’avoir une place importante». Pour lui, le problème du mode de gestion des services publics n’est pas nouveau dans la Grande ile. Depuis l’ancienne royauté jusqu’à la nouvelle République, il a préoccupé les autorités malgaches. Autrefois, un embryon d’organisation décentralisée existe grâce à «cette institution spécifique et originale qu’est le Fokonolona». Cette décentralisation, à l’époque, couvre non seulement les questions administratives, mais également les questions judiciaires car le Fokonolona est le « Mpitsara ambany », le juge d’en bas. Le Fokonolona a, en outre, son chef, son conseil, sa police. « Et déjà à cette époque, le problème de tutelle administrative faisait son apparition et a entrainé la création par le roi Andrianampoinimerina du corps des Vadin-tany, véritables messagers des instructions royales.» Depuis, l’existence et la vie du Fokonolona connaissent de nombreuses « péripéties et des vicissitudes ». La période critique se situe au lendemain de l’indépendance. La mise en place, d’une manière systématique de l’organisation communale pose alors le problème du maintien du Fokonolona. Toutefois, celui-ci survit à la crise. Mieux, des dispositions législatives sont prises pour essayer de normaliser ses pouvoirs et ses attributions. Le gouvernement marque, en effet, sa volonté de maintenir le Fokonolona dans l’exposé des motifs de l’ordonnance n°60-175 du 3 octobre 1960, sur les conventions de Fokonolona. « L’institution des communes n’a pas fait disparaitre le Fokonolona. L’intention du gouvernement, en généralisant l’organisation municipale, n’était d’ailleurs pas de mettre fin à une institution ancestrale qui a joué un grand rôle dans l’administration de Madagascar et dans son évolution. »
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