Etre malgache dans un monde francophone


La francophonie, c’est aussi ou c’est surtout ce lien qui nous unit avec la langue française. En ce qui concerne Madagascar, c’est un amour vache entre un peuple qui n’a pas vraiment cicatrisé ses plaies d’un passé colonial et une langue qui reste présente dans notre quotidien. La tenue du XVIe sommet francophone à Antananarivo aura permis de lever au grand jour des questions latentes quant à notre relation avec la langue malgache. À l’instar du débat organisé par la FES : « La langue française à Madagascar : ouverture vers le monde ou outil d’exclusion socio-politique et culturelle » La bonne manière d’apprécier, d’exploiter l’usage de la langue française et d’optimiser sa culture linguistique, n’est-elle pas de rester Malgache dans un monde francophone   Rester Malgache, se réapproprier son identité culturelle, sa dynamique sociale et économique et une certaine fierté malheureusement laissée de côté d’être Malgache – et en particulier, d’être Malgache vivant à Madagascar. Paradoxalement, on associe à tort la langue française comme étant celle d’un groupe élitiste, fermé et inaccessible au grand public. Bien qu’on soit conscient de l’absurdité de la situation, l’on fait assez peu pour réduire cette fraction et même pour briser le préjugé. Par exemple, tout en fustigeant les francophones de colonisés sur le tard, la tendance presque naturelle des parents malgaches est d’éduquer leurs progénitures dans des écoles d’expression française. Parfois, la politique de l’établissement scolaire est d’interdire aux élèves de parler malgache, même si au final, la maîtrise des élèves de la langue française reste aléatoire. L’enseignement public quant à lui souffre de mille maux, allant des difficiles conditions de travail du corps enseignant à l’insuffisance de classes, de matériels et de ressources financières des parents d’élèves. « Haïr » la langue française, toujours considérée comme la seule langue de Gallieni et « espérer » que ses enfants usent du français avec perfection. Une contradiction qui prend des racines lointaines, sans doute quelque part dans un passé commun où les plaies n’ont pas encore cicatrisées et où l’exclusion est présente. La réflexion veut aujourd’hui que l’on se convainc d’abandonner le français pour « migrer » progressivement vers l’anglais, le mandarin, l’arabe, langues jugées plus utiles à l’expansion économique et/ou sociale. En même temps, le problème reste entier : si l’usage d’une langue ne consiste pas à aider l'identité malgache à s’épanouir dans un monde en mutation permanente, nous ne sommes pas sortis de la spirale de l’élitisme et recréons le même scénario. Laura Lewis, célèbre journaliste américaine (1922-2002) défendait cette part multiculturelle de l’humanité à travers les langues en disant : « Étudier une autre langue consiste non seulement à apprendre d’autres mots pour désigner les mêmes choses, mais aussi à apprendre une autre façon de penser à ces choses ». En l’occurrence, comment d’autres langues peuvent nous montrer d’autres manières de repenser le monde, si à la base nous perdons ce qui fait l’exceptionnalité de notre propre conception des choses : la langue malgache. Francophone, anglophone, germanophone, pourquoi pas. Mais quel intérêt pour Madagascar si l’on n’est plus Malgache. Par Mialisoa Randriamampianina
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