De bons conseils pour une stratégie de défense


Les Notes ont parlé, début novembre 2017, du Mythe d’Andriba, étude entreprise par Manassé Esoavelomandroso sur la confrontation entre corps expéditionnaire français et troupe royale merina à Andriba qui se termine par la fuite de celle-ci, et publiée dans la revue historique Omaly sy Anio (N°1 et 2, 1975). Pourquoi un mythe ? Selon l’historien plusieurs arguments sont avancés pour expliquer cette fuite. Mais il apporte des précisions avant tout. Tout d’abord, la bataille d’Andriba ne se termine pas par une retraite organisée, mais au contraire, par une débandade. « Andriba a montré au grand jour la désagrégation de l’Armée de Ranavalona III. » Il ne s’agit pas d’une dérobade, d’un recul tactique ou d’une ruse de guerre « visant à mettre l’ennemi en confiance ». Présentée par les Malgaches comme une grande bataille où les soldats de Rainianjalahy opposent une résistance héroïque, mais vaine, aux hommes du général Duchesne, elle est expliquée ou justifiée de plusieurs manières. Les uns invoquent en premier lieu le fait que les troupes royales, peu nombreuses, mal ravitaillées et mal armées n’ont pas la maitrise du terrain. D’autres prétendent que les Merina doivent, tout en faisant face à l’ennemi, « s’efforcer de contrôler les populations qui leur étaient soumises, mais les trahissaient en aidant les Français ». D’autres enfin, et le Premier ministre Rainilaiarivony en tête, cherchent les raisons de la fuite au sein même de l’Armée. Manassé Esoavelomandroso revient alors sur divers témoignages qui sont unanimes à reconnaitre qu’à partir de Maevatanàna, les troupes merina ont l’avantage sur le corps expéditionnaire, « grâce à leur connaissance de la région et aux ouvrages qu’elles ont construits. Grâce aussi à leur ravitaillement abondant et au nombre important des combattants dotés d’armes modernes et des auxiliaires, dont ceux chargés du transport ». Des allégations qui ne sont pas dénuées de fondement. En effet, à partir de Maevatanàna, les Français opèrent en pays inconnu alors que les Malgaches choisissent leurs positions ou les lieux de combat. Car si le corps expéditionnaire dispose pour l’itinéraire Mahajanga-Maevatanàna des relevés assez précis effectués, en 1893, par le lieutenant-colonel Beylié et, en 1894, par le lieutenant Aubé, il n’a pour la région comprise entre Maevatanàna et Antananarivo que des schémas d’itinéraire. Ainsi, dès le 30 juin 1895, c’est-à-dire le jour même de leur défaite à Beritsoka, Rainianjalahy et ses hommes décident de reculer jusqu’à Andriba (Mondain, « Documents historiques malgaches », 1928). Dans une lettre écrite le 4 juillet, le Premier ministre, peut-être abusé par des rapports volontairement embellis, félicite le général en chef et ses lieutenants pour leur attaque de Tsarasaotra qui, à ses yeux, représente le baptême du feu pour certains soldats. « Une incitation pour tout le monde à mieux combattre dans l’avenir un ennemi dont on connait la force, et une expérience enrichissante permettant aux officiers de revoir leur tactique et d’arrêter leur stratégie. » Rainilaiarivony en profite pour leur donner plusieurs conseils. D’abord, choisir une position qu’ils doivent fortifier afin d’y attirer l’ennemi. Puis, construire de gros ouvrages flanqués chacun de deux forts pour disperser les forces ennemies. Et enfin, envoyer de petits groupes de soldats pour harceler les troupes françaises afin qu’elles montent à l’assaut des fortifications. « Cette lettre ne fait que reprendre d’autres instructions antérieures démontrant aux officiers de l’armée royale, les avantages d’une guerre défensive », affirme l’historien. Ce dernier poursuit son explication. Entre la défaite de Beritsoka et la « bataille » d’Andriba, Rainianjalahy dispose de plus d’un mois et demi pour choisir une position appelée à devenir une forteresse imprenable. Durant cette période, les troupes merina creusent des tranchées, élèvent des murettes et construisent des camps. Au mois d’aout de la même année, toute la région d’Andriba est hérissée de nombreuses fortifications. Le 15 aout, Rainianjalahy informe le Premier ministre, dans une longue lettre, de la situation du corps expéditionnaire français à Maevatanàna et de ses propres troupes « réparties entre les treize camps fortifiés et prêtes à repousser l’ennemi ». Il s’agit des Manda Tsiafajavona à l’extrême est, Tsiafadahy à l’ouest de Tsiafajavona, Kelimatotra à l’ouest de Tsiafadahy, Mandabe à l’extrême nord sur la piste de Malatsy, Atsimo au sud de Mandabe, Afovoany au nord de Malatsy, Kelimiadihozokiny à l’est d’Andriba, Avaratra en contrebas au nord de Kelimiadihozokiny, Antampon’Andriba sur le pic d’Andriba, Mahatsinjo à l’ouest d’Andriba à Antsaha­tanteraka, Ambohimenakely au nord-ouest de Malatsy et Mandavato au nord-ouest de Mandabe. Rainianjakahy indique dans sa liste les noms des officiers et le nombre des soldats et des canons affectés aux différents ouvrages. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Le Petit journal
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