Le temps de l’élégance républicaine


En Europe ou aux États-Unis, et dans les autres démocraties établies : d’abord, les résultats de cette élection auraient été connus le soir même du scrutin. Ne laissant pas une seule seconde à l’incertitude de s’installer, au fanatisme des uns et des autres de s’exacerber, à l’angoisse d’une nouvelle crise politique gagner celles et ceux qui ne demandent qu’à vivre normalement dans un pays enfin normalisé. En Europe ou aux États-Unis, et dans les autres démocraties établies : l’organisation aurait été au-dessus de toute critique de méthode et donc à l’abri de tout soupçon de partialité. Une liste électorale sans multiples inconnues ; des cartes d’identité ou d’électeur à jour du parcours biologique (mort ou vivant) et géographique (ici et ici seulement) de leur titulaire ; un vote individuel électronique immédiatement comptabilisé. En Europe ou aux États-Unis, et dans les autres démocraties établies, où les deux précédentes conditions auraient été une banalité : enfin, avec un tel écart de voix (plus de 500.000) et sachant le nombre de bureaux de vote à traiter (avec moins de 70.000 inscrits), l’élégance républicaine aurait commandé de reconnaître sa défaite. Cette simple posture irait dans le sens d’une paix sociale dont ce pays a tant besoin, après 1991, 2002 et 2009. Alors, certes, il appartient à la Haute Cour Constitu­tionnelle de proclamer officiellement les résultats, mais il semble maintenant hautement improbable que cet écart de dix points en pourcentage puisse être inversé. J+7 à la CENI (Commission nationale électorale), J+au moins combien encore pour une formalisation à la HCC ? Madagascar est proprement l’otage de ce double tour électoral qui n’a que trop duré depuis le 7 novembre. On est maintenant à Semaine + 7 : entretemps, les passions se sont enflammées, les positions durcies, alors fasse que le jusqu’au-boutisme n’ait pas eu le temps de s’organiser. Dans une démocratie établie, le Président élu et son prédécesseur seraient déjà en train de préparer la passation des dossiers et du pouvoir. J’aime bien cette Une du magazine Le Point (j’ai conservé ce n°1887, du 13 novembre 2008), où l’on voit Barak Obama et George W. Bush cheminer ensemble tout en discutant amicalement avec ce gros titre : «L’interrègne». Dans une démocratie établie, le camp perdant serait en train de tirer les leçons de cette défaite et de se préparer à l’avenir, législatif ou municipal. Dans une démocratie établie, les Malgaches seraient en train de vivre, juste normalement, sans appréhension du lendemain politique.
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