Les nationalismes des TOM refusent la politique d’assimilation


Par le référendum d’octobre 1946, « la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge, à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ». Dans le livre d’Histoire de Madagascar de 1967, les auteurs précisent que si les Malgaches sont citoyens, il n’en reste pas moins qu’ils votent dans un collège particulier. « La citoyenneté comporte deux statuts, français et personnel ; pour les Malgaches, le droit de vote reste limité à des catégories bien définies. » Pour les députés de Madagascar, c’est un nouvel échec, car leur projet de consultation du peuple malgache afin de fixer le statut politique de leur pays et déposé trois plus tôt, est écarté par la Commission de la Constitution. La réforme des structures des collectivités locales intervient à la veille des élections législatives. Cinq grandes provinces sont créées, Antananarivo, Fianaran­tsoa, Mahajanga, Toamasina et Toliara. Elles constituent une sorte de fédération avec leur Assemblée, leur administration financière autonome. L’Assemb­lée représentative qui se réunit deux fois par an à Antananarivo, émane des Assemblées provinciales avec quinze membres du premier collège et vingt et un du second. Le premier collège qui réunit les citoyens de statut français, élit deux députés à l’Assemb­lée nationale, le second (statut personnel) en élit trois. Le 10 novembre 1946, les élections à l’Assemblée nationale sont un nouveau succès pour le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM). Dès le premier tour, le second collège envoie à Paris les trois candidats : Joseph Ravoahangy pour la circonscription du Centre, Jacques Rabemananjara pour celle de la côte Est et Joseph Raseta pour celle de la côte Ouest. L’élection de Jacques Rabemanan­jara, jeune poète et patriote qui recueille près de 70% des voix dans sa circonscription, malgré l’opposition du Parti des déshérités de Madagascar (Padesm), atteste une fois encore la puissance du Mouvement. Personne n’évoque les évènements graves de 1947 sans éprouver une profonde émotion. Les conséquences du soulèvement de 1947 sont considérables. La IVe République, née dans le contexte de l’Union française, est bâtie sur des contradictions qui l’affaiblissent. En décembre 1946, commence la guerre d’Indochine, « page douloureuse de la décolonisation ». Le développement des nationalismes dans la plupart des territoires d’Outre-mer, condamne à plus ou loin brève échéance, la politique d’assimilation lente et bien timide. « L’instabilité ministérielle ajoute encore à ces hésitations. » Dans le monde, l’antagonisme des USA et de l’URSS ne manque pas une occasion de se manifester. La « guerre froide » commence dès 1947, elle durera plus de six années. « La déception est grande pour tous ceux qui ont salué la paix comme une délivrance définitive ! Un malaise politique et social se développe presque partout. » À Madagascar, se réalise la mise en place des rouages représentatifs, prévus par les décrets d’octobre et de novembre 1946. On procède alors aux élections des membres des Assemblées provinciales qui désignent à leur tour ceux de l’Assemblée représentative. La victoire du MDRM s’affirme partout, sauf dans la province de Mahajanga. « Contesté par l’Administration et le haut-commissaire malgré ses victoires électorales, il dispose de plus des deux tiers des sièges et l’emporte sur le Padesm. » Cette supériorité lui confère, le 29 janvier 1947, tous les sièges des représentants du deuxième collège à l’Assemblée de l’Union française. L’enjeu de ces luttes est grand. Les esprits s’échauffent, les passions s’exaspèrent. « Des bruits alarmants, contradictoires, se répandent, augmentent encore le malaise général. » La révolte éclate dans la nuit du 29 au 30 mars, brutale, incompréhensible, dans la forêt orientale. Un désarroi profond nait de cette situation terrible. D’avril à juillet, le mouvement progresse sur la falaise, en direction des Hautes-terres et atteint son paroxysme en septembre. Mais déjà, dans le milieu hostile de la forêt dense où ils se cachent, les insurgés connaissent une situation matérielle difficile, aggravée par la saison des pluies. Isolés au milieu des populations dépourvues et malheureuses, ils ne peuvent plus vaincre. « Il fallut plus d’un an jusqu’en décembre 1948 pour réoccuper militairement la côte et la falaise orientales. Et comme la révolte, la répression laisse dans la forêt un horrible souvenir. »
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