Lucien Fanomezantsoa Ranarivelo - «La pêche illégale est difficilement contrôlable »


Le ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, Lucien Fanomezantsoa Ranarivelo reconnaît que les deux bateaux de surveillance de pêche, dont le pays dispose, sont insuffisants en nombre et manquent de ressources humaines et financières pour parfaire leurs activités de contrôle. Seuls les bateaux licenciés peuvent être surveillés. Le ministre annonce que de nouvelles stratégies sont en étude afin de protéger au mieux les ressources marines et halieutiques. [caption id="attachment_77920" align="alignleft" width="300"] Ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche depuis janvier 2019, Lucien Fanomezantsoa Ranarivelo, a été directeur général de l’Agriculture depuis 2016. Très pragmatique depuis toujours, il entend réaliser le contrat-programme auquel on lui a assigné. Ingénieur agronome, et diplômé en gestion des ressources maritimes de l’université de Québec, il n’est pas novice dans le secteur et exige des résultats concrets de la part de ses collaborateurs.[/caption] • Les six bateaux de pêche chinois ayant pêché illégalement dans les eaux territoriales du sud ont fait couler beaucoup d’encre dernièrement. Où en est la situation actuellement ? - Les bateaux chinois en infraction sont actuellement à quai au port de Toliara depuis le 16 mars dernier. Leurs licences de pêche ont en effet expiré au mois de décembre et ont été renouvelées au début d’année mais la société chinoise a continué à pêcher sans respecter certains engagements du cahier des charges. Des mesures ont été prises par l’État malgache et leurs activités ont cessé depuis le 20 février. Les bateaux restés au large ont été appelés à rejoindre le port de Toliara. Les marins ont déjà évacué les bateaux. Le Centre de surveillance de pêche a saisi leur matériel de pêche. • Et est-ce que ce genre de mesure suffit? Pourquoi leurs licences n’ont-elles pas été retirées ? - Il y a des étapes à suivre dans ce genre de contrat d’exploitation. Nous sommes entrain de voir si le protocole de pêche avec cette société chinoise Mapro Sud a bien été suivi. Si les engagements et les cahiers de charge n’ont pas été suivis et ne seront pas suivis, leurs licences de pêche ne seront pas renouvelées. C'est-à-dire que les détails de ce protocole de pêche sont actuellement analysés à la loupe et la société doit ainsi préciser jusqu’à quel point elle peut s’engager à suivre des textes et lois en vigueur régissant la pêche à Madagascar. • Quels sont les moyens utilisés jusqu’ici pour surveiller nos eaux territoriales de pêche ? - Le Centre de surveillance de pêche ne dispose que de deux bateaux patrouilleurs, l’« Atsantsa » et le « Telonify ». Il est quelque peu difficile de surveiller les 6 000 km de côtes avec deux bateaux. Quoique tous les bateaux licenciés inscrits dans le protocole d’accord avec l’Union européenne sont près d’une soixantaine et ceux hors protocole d’accord, près d’une centaine et sont surveillés 24h sur 24. Les mouvements de ces bateaux, de par leur transpondeur, peuvent être suivis par satellite. Ceux-ci entrent en infraction s’ils tentent de désactiver cet appareil. Les chalutiers illégaux, ceux qui n’ont pas de licence de pêche et qui ont pour objectif de pêcher illicitement, n’activent pas leur transpondeur, et ne peuvent donc pas être suivis. Il est ainsi quasi-impossible de tracer les pêches illégales. Par ailleurs, il faut des moyens pour bien contrôler le territoire. Pour maintenir leur coût d’exploitation et de fonctionnement à un niveau acceptable, nous sommes entrain de voir la possibilité de détaxer le gasoil pour ces bateaux auprès de l’OMH (Office malgache des hydrocarbures). Des contrôles inopinés vont être organisés incessamment avec l’appui du ministère de la Défense nationale. • Qu’en-est-il des trois cent trente bateaux chinois prévus exploiter nos ressources marines et halieutiques, sous forme d’un partenariat public-privé ? - Le ministère que je dirige n’a accordé aucune autorisation de pêche pour trois cent trente bateaux. Aucun contrat allant dans ce sens n’a été signé. S’il s’avère que des bateaux à qui le département de la pêche n’a pas accordé de licence officielle s’aventurent dans nos eaux territoriales, nous sommes parfaitement en droit de les poursuivre. • Comment le ministère compte-t-il lutter contre les divers trafics, pêches illégales non déclarées qui nous font perdre quelques 400 millions de dollars par an ? - Je tiens particulièrement à souligner que j’aspire à améliorer la gouvernance du secteur pêche à Mada­gascar. Beaucoup reste encore à faire. L’accord de pêche avec l’Union européenne, ayant pris fin en décembre 2018 n’a pas encore été renouvelé car des détails sont également à voir. Une expertise de la FAO, et des ONG internationales œuvrant dans ce domaine, par exemple, est demandée afin d’améliorer la gestion des ressources. Le renouvellement de l’accord sera revu dans le cadre global de l’accord de partenariat économique en général. Le président de la Répu­blique, Andry Rajoelina, lors de son déplacement au Kenya dernièrement, a parlé d’une stratégie de protection de ressources marines et halieutiques. Un sommet international réunissant les pays voisins tels que les îles de l’océan Indien, le Kenya, la Tanzanie et Mozambique, va se tenir à Antananarivo vers le mois d’août ou septembre. • Dans un tout autre domaine qui est l’interdiction des exportations de la viande de zébus et de zébus sur pied, quid des partenariats avec la BOVIMA (Bonne viande de Mada­gascar) qui a déjà élaboré un projet d’exportation bovine depuis 2016 ? - Toute exportation est effectivement suspendue jusqu’à nouvel ordre. Ceci, afin d’assainir la filière en général. L’insécurité a grandi avec la mauvaise gestion de ce secteur stratégique. D’ici là, le projet BOVIMA avec l’IFC et la Banque mondiale, est appelé à revoir sa stratégie dans la traçabilité de ses activités. L’origine des bovidés, le nombre à engraisser, la destination et autres détails. La politique d’amélioration de la race bovine est aussi exigée. Autant de réformes à engager avant toute activité d’exportation de bovidés. • Les riziculteurs se plaignent de l’arrivée des « vary mora », qui feraient baisser le prix du riz local, quelles réponses leur donneriez-vous ? - Les 16 500t n’auront aucune incidence sur les 2 800 000t de besoins en riz blanc des consommateurs malgaches. C’est une action sociale d’urgence pour les populations vulnérables. L’arrivée des « vary mora » n’impactera pas sur le prix du paddy. Celui-ci ne sera aucunement revu à la baisse. • L’autosuffisance en riz pour 2020 ne relève-t-elle pas de l’utopie ? - C’est tout à fait possible. D’autres indicateurs doivent être pris en compte dans ce que nous appelons « autosuffisance en riz ». Outre la réduction des importations, le paramètre « exportation de riz » doit aussi être inclus dans cette politique d’autosuffisance en riz. Plusieurs localités sont productrices de riz, mais elles restent mal exploitées ou contraintes par le mauvais état des routes par exemple. Le pays dispose ainsi d’assez de quantité produite mais reste pénalisé sur le flux. Je peux ainsi affirmer que sur les 5 ans à venir, nous serons capables d’exporter du riz. Propos recueillis par Mirana Ihariliva
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