Le sexe faible


«L’approche genre tant prônée par les nations civilisées n’apporte pas que du bien dans son application stricte. La potion est classée dans la catégorie “à consommer avec modération” si l’on se réfère à l’histoire ». C’est par ces termes qu’un journal de la place ouvre son éditorial jeudi dernier. Bien entendu, cela ne pouvait qu’être un homme pour écrire de cette manière. Une occasion en or pour une réponse de la bergère au berger. Mon confrère s’est bien délecté en citant des exemples qu’il qualifie de « l’histoire » car à vraie dire, ce ne sont que des histoires et non des réalités humaines. Et puis, entre nous, ces petites histoires ont été écrites par...des hommes. Qu’Adam a été « manipulé » par Ève, Samson par Dalila, on constate donc que ces hommes n’avaient pas vraiment le centre de réflexion dans la partie du corps approprié à cela. Autre temps autre mœurs annonce mon collègue, mais il est très peu probable qu’en ce temps-là, les auteurs de ces histoires savaient ce qu’est l’égalité des genres. « Ces femmes dominantes risquent alors de faire perdre la main à leur époux. La chute de l’inamovible Mugabe en est une illustration en matière d’échec de l’approche genre mais d’autres chefs d’Etats suivront certainement la même voie de sortie dans un proche avenir ». Il est tout à fait compréhensible que des fois, le journaliste fasse face à des pages vides, que l’inspiration disparaisse et que de temps à autre, on puisse écrire pour écrire. Mais de là à en arriver à rapporter de pareilles bêtises, c’est un peu fort de café ! Premièrement, comment peut-on mettre si facilement sur le dos de l’approche genre la fin du règne de Mugabe ? Ce qui se raconte sur Grace Mugabe ne serait que l’eau qui aurait fait déborder le vase. C’est renier l’histoire, la vraie, que de ne s’en tenir qu’à la fin. Durant des années, de déboires en déboires, Mugabe a tout fait pour se faire des ennemis et pour s’ériger en oppresseur de son propre peuple. Mais, si utopiquement, il était vrai que la fin de son règne est dû au fait qu’il a appliqué « l’approche genre » ne devrions-nous pas féliciter, remercier, sacraliser cette fameuse approche ? Elle a mis à terre celui qui a tué des millions de gens pour se maintenir au pouvoir, pillé et dévasté le Zimbabwe pendant des décennies. Dans ce cas, on devrait imposer l’approche genre à tous les couples présidentiels de la planète. Ainsi, ceux qui pensent s’éterniser au pouvoir seront tout de suite mis au tapis par leurs femmes. Mon cher confrère réfléchira peut-être maintenant à deux fois avant du parler du « sexe faible » car par ses propos mêmes, il se dénigre en voulant rabaisser d’une manière simpliste et machiste le combat, depuis des décennies, des hommes et des femmes pour la mise en pratique d’une approche positive des genres. Puis, « grâce » à Grace, le Zimbabwe peut maintenant vivre. Alors, qui est le sexe faible ? Par Mbolatiana Raveloarimisa
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