Une réélection atteste la force des nationalistes


À la fin de la seconde guerre mondiale à laquelle des milliers de Malgaches participent, sans oublier la contribution économique et matérielle de la Grande ile aux efforts du conflit, les patriotes du pays sont déçus. Déception d’autant plus grande que la réforme administrative qui se poursuit pendant l’année 1944, ne satisfait personne, n’étant pas adaptée aux structures des collectivités paysannes (lire précédentes notes). En avril 1945, deux mois avant la fin de la guerre, la Charte des Nations Unies propose à la future Organisation la noble tâche « de favoriser le progrès économique et social de tous les peuples, de donner à tous le droit de disposer d’eux-mêmes». Tandis que quelques mois plus tard, les Français s’efforcent de construire, avec les territoires de l’Empire colonial, une Union constituée autour de la Métropole. « Fédération d’États autonomes ou Union de peuples cimentée par l’assimilation dans la citoyenneté ? », se demandent les auteurs du livre d’histoire en date de 1967. Deux députés malgaches, Joseph Ravoahangy et Joseph Raseta, et deux députés français, Rossignol et Castellani, sont respectivement élus par les deux collèges électoraux pour représenter Madagascar à la Consti­tuante. « Réélus après le rejet du premier projet de Constitution fédéraliste, ils continuent à lutter, en vain, pour l’autonomie de l’État malgache. L’adoption de la Consti­tution d’octobre 1946, qui rejetait la solution fédéraliste, fut un échec pour les nationalistes malgaches. » Ravoahangy et Raseta sont élus le 18 novembre 1845 au second tour du scrutin, sur un programme commun : l’indépendance dans un contexte d’amitié avec les autres nations, particulièrement avec la France. Dès le mois de décembre, une Délégation malgache se forme à Paris. Elle groupe autour des députés, des Malgaches de Paris, en majorité des étudiants. Sous le régime de l’amitié, un Comité franco-malgache se joint à la Délégation. Le 6 mars 1946, « les Malgaches de Paris accueillent avec enthousiasme l’accord par lequel la France reconnait le Vietnam comme État libre associé à l’Union française ». Quinze jours plus tard, ils déposent auprès du bureau de la Constituante une proposition de loi qui réalise le programme sur lequel ils sont élus. Les auteurs du livre d’Histoire destiné aux élèves des classes terminales, donnent les deux premiers articles de cette proposition. L’article 1er dispose que « la loi du 6 aout 1896 est et demeure abrogée ». Il s’agit de la loi d’annexion. L’article 2 dispose que « Mada­gascar est un État libre ayant son gouvernement, son Parlement, son armée, ses finances au sein de l’Union française ». Cette proposition de loi devrait être portée à la connaissance des membres de l’Assemblée et s’inscrit dans le thème du projet de Constitution nettement fédéraliste. « Elle est écartée des débats malgré les protestations des députés malgaches. » Le référendum du 5 mai 1946, qui rejette ce projet auquel ils se sont ralliés, remet en question l’évolution libérale de l’Union française et emporte leurs dernières espérances. La création du Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) permet à ses fondateurs, Joseph Raseta et Joseph Ravoahangy ainsi que des membres de la Délégation malgache de Paris, de diffuser dans la Grande ile le texte de la proposition de loi du 21 mars. Il va constituer le thème majeur de la campagne électorale de mai 1946, qui précède l’élection de la seconde Constituante. L’atmosphère politique est confuse et pleine de menaces à Madagascar, au printemps 1946. « Bien que la suppression de l’Office du riz, du travail forcé et de l’indigénat ait été prononcée, les affrontements se multiplient. Les manifestations deviennent de plus en plus bruyantes, les réactions de plus en plus brutales. » Marcel de Coppet revient à Antananarivo en tant que Haut-commissaire. Il y trouve un climat proche de l’émeute, car la campagne électorale bat son plein. La réélection des leaders du MDRM atteste, dès le premier tour, « la prise de conscience du peuple malgache, la puissance du mouvement nationaliste, la nécessité de réformer le statut politique de la Grande ile ». Au lendemain des élections, l’apparition de nouveaux partis comme le Parti des déshérités de Madagascar ne parvient pas à diminuer l’influence du MDRM. Au contraire, « l’opposition ouverte de l’Administration lui confère auprès de la masse une popularité croissante ».
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