Bemiray - Société - Apartheid : l’ébène et l’ivoire


Les lois de l’apartheid sont définitivement abolies en juin 1991, en Afrique du Sud, à la suite de l’arrivée au pouvoir en août 1989 du président Frederik de Klerk, et à la libération, après 27 ans d’emprisonnement, de Nelson Mandela. La chronique de Tom Andriamanoro fait ensuite mention de la compagnie aérienne Corsair, dont le système de vol « charter », tend à rendre démocratique le transport aérien. Enfin, le site du Rova de Manjakamiadana a toujours intéressé des hôtes de marque, avant et après son incendie criminel. [caption id="attachment_68166" align="alignleft" width="378"] Le président Nelson Mandela a été reçu par l’ex-président Pieter W. Botha, le dernier tenant de la ligne dure
de l’apartheid, dans sa maison à Wilderness,
le 21 novembre 1995.[/caption] Les théoriciens de l’apartheid étaient de grands exégètes de la Bible qu’ils interprétaient au mieux de leurs intérêts. C’est ainsi que, pour justifier leur idéologie, ils n’ont pas hésité à remonter jusqu'à la malédiction proférée par Noé à l’encontre de Canaan, dont le père Cham avait vu sa nudité alors que lui, Noé, était ivre mort : « Lorsque Noé se réveilla de son vin, il a appris ce qu’avait fait son fils cadet, et dit : Maudit soit Canaan, qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères » (Genèse 9 :24-25). C’est ainsi qu’ils en ont conclu que la race noire était destinée à servir la race blanche. Pas question de se trouver des affinités avec les Xhosas, les Zoulous et autres Hottentots, tous dédaigneusement fourrés dans le sac commun des Bantous. Les Blancs descendants de paysans néerlandais et de huguenots français érigèrent cette idée fumeuse en dogme indiscutable qui allait modeler la société sud –africaine. Ce dogme a été déclaré « concept dépassée » en 1985, et officiellement abrogé en 1991. Il a cependant fallu le concours de circonstances parfois dramatiques pour que la nation « arc-en-ciel » puisse naître en dépit des irréductibles tels que Villiers, Eugène Terre’Blanche, et autres Botha. Beaucoup de ces messieurs au teint rose préférèrent émigrer sous d’autres cieux, dans l’espoir d’y côtoyer des citoyens incolores, inodores, insipides comme l’eau de pluie. La dichotomie programmée connut néanmoins des couacs dans son application. La catégorie des métis qui n’aurait pas dû exister a au contraire « proliféré », constituant un important vivier électoral bien que leurs droits aient été restreints par tous les moyens possibles. Le développement séparé a oublié de tenir compte du « démon de midi » chez beaucoup de Blancs qui, après avoir lu quelques chapitres entièrement déformés du Livre Saint, se délectaient à se frotter la panse contre la peau noire de leurs servantes finalement devenues leurs maîtresses. Interdits sur le territoire de la République, ces contacts épidermiques se pratiquaient dans quelque bantoustan accessible sans passeport ni visa. Entre Mbabane et Manzini au Swaziland, une vallée dite « la vallée du bonheur » n’avait d’autre activité que l’industrie hôtelière et les jeux d’argent, et aucune autre clientèle que des couples mixtes de messieurs blancs généralement âgés accompagnés de jeunes femmes noires. Ils y séjournaient du vendredi soir au dimanche après-midi pour éviter les pénalités prévues par la Loi sur l’immoralité de 1957. [caption id="attachment_68167" align="aligncenter" width="300"] Eugène Terre’Blanche était un policier reconverti
en fermier et surtout leader du Mouvement de résistance afrikaner, association politique paramilitaire, farouche partisan de l’apartheid.[/caption] Réticences résiduelles Ces combines font partie de l’histoire pudiquement passée sous silence de l’Afrique du Sud, où les mariages mixtes étaient autrefois interdits sous peine de prison pour le partenaire couleur chocolat noir, et d’amende pour celui couleur vanille-fraise. Ils ont fini par être autorisés avec quelques réticences résiduelles, quand c’est l’homme qui est noir et la femme blanche. Aujourd’hui des citoyens à la couleur de peau intermédiaire occupent souvent le devant de la scène, non plus à titre symbolique ou politique, mais en raison de leur valeur réelle. Très souvent, après un enseignement primaire plutôt quelconque au pays, ils sont allés poursuivre leurs études à l’étranger, et y ont acquis un bagage dont leurs compatriotes non blancs ne pouvaient que rêver. Petit à petit la libéralisation a acculé le vieil apartheid dans les cordes, si bien que les « protest songs » du Zoulou blanc Johnny Clegg ont perdu beaucoup de leur raison d’être, en-dehors des voix de basse profonde de ses partenaires musicaux noirs. Tout comme l’embargo économique a poussé le Zimbabwe, ex-Rhodésie de Jan Smith, à se doter d’une industrie du pétrole synthétique, l’isolement de l’Afrique du Sud pour cause d’apartheid l’a forcée à s’industrialiser sans se contenter de ses richesses minières. Devenue une puissance industrielle et nucléaire, elle a détruit ses six bombes atomiques à partir de 1989, mais est restée la seule puissance réellement industrielle de tout le continent africain. L’Afrique du Sud était alors le partenaire pouvant assister Madagascar dans les meilleures conditions, en raison de sa proximité et de son niveau de développement. C’était du temps de la première République, et Philibert Tsiranana ne s’y est pas trompé, tout comme son confrère ivoirien Félix Houphouët Boigny. Et il a sauté le pas, quitte à endurer les flèches de l’Afrique dite progressiste. Rétro pêle-mêle Cyber avec ou sans café ? On est en 2003, et la prolifération des cybercafés dans les quartiers de la capitale pourrait laisser penser que Madagascar a fait le grand saut dans l’univers des nouvelles technologies. En matière de liaison par satellites, le réseau privé VSAT (Very Small Aperture Terminal) est en plein boom avec des licences d’exploitation octroyées par l’Office malagasy d’études et de régulation des télécommunications (OMERT) à quatre sociétés, à savoir Datacom, DTS, Gulsat Madagascar, Blueline. Le libéralisme joue à fond alors que dans un pays autrement plus développé comme l’Afrique du Sud, c’est encore un monopole d’État. Le satellite permettrait théoriquement d’installer Internet partout à Madagascar, n’était son coût. Plus conventionnels sont les faisceaux hertziens dont le réseau couvre l’ensemble du territoire, et le câble en fibre optique. Pour en revenir à Internet, à la base le marché malgache de l’informatique est estimé à 16,6 ordinateurs pour 10 000 habitants. Le pays compte officiellement 12 000 abonnés, un chiffre à multiplier au moins par trois car la même ligne est généralement utilisée par plusieurs personnes. Une douzaine de fournisseurs d’accès se partagent le marché mais la concentration à Antananarivo est très marquée. Dans le portefeuille du leader DTS par exemple, plus de 80% sont localisés dans la capitale contre 5% à Toamasina, 3% à Mahajanga, et 2% de chaque dans les trois autre chefs-lieux de faritany. Beaucoup reste à faire en matière de démocratisation de la « toile ». [caption id="attachment_68169" align="alignleft" width="300"] L’intérieur d’un avion de Corsair répond aux attentes du touriste.[/caption] Transport aérien - Démocratiser l’avion, c’est possible Se tromperait-on en disant que beaucoup de nos compatriotes expatriés sont de plus en plus enclins à « prendre » Corsair plutôt qu’une autre compagnie plus classique ? Ce n’est qu’un exemple, le plus minime peut-être, car on assiste aussi à des glissements de clientèle ailleurs, dans d’autres contextes, et avec d’autres acteurs. Corsair fait partie du groupe allemand Tui, premier groupe touristique européen présent en France par ces deux marques principales que sont Nouvelles Frontières et Corsairfly du vrai nom de la compagnie. Elle opère principalement vers l’océan Indien (La Réunion, Madagascar, Kenya, Maurice), Les Caraïbes (Antilles, Mexique, Cuba, République Dominicaine), ainsi que l’Amérique du Nord (Canada) et l’Afrique de l’Ouest (Sénégal). Elle se hérisse dés qu’on parle de « charter », un terme qui a une connotation négative justifiée ou non, car Corsair se définit plutôt comme un acteur de la démocratisation du voyage. Elle essaie d’apporter un rapport qualité/prix intéressant aux voyageurs potentiels, en leur permettant d’aller plus loin à des conditions plus accessibles. Cette compagnie aérienne a avant tout un positionnement de compagnie touristique, peut-être même celui de premier opérateur touristique long courrier français. Ce n’est pas pour autant que sa clientèle ou ses destinations ont un profil-type. Sur l’île Maurice par exemple, Corsair a dépassé les 90% de remplissage dès les premiers mois d’exploitation, et ce n’était pas avec des « sac à dos ». Au contraire, Corsair transporte aujourd’hui beaucoup de cadres supérieurs prêts à payer un supplément pour voyager dans la classe qui leur convient. Proximité Elle a depuis longtemps misé sur la carte de la proximité, laquelle se traduit par des réponses concrètes aux attentes des passagers: un bon siège, un bon repas, des tarifs promotionnels, un assouplissement des conditions de réservation… Corsair laisse à d’autres le soin de vendre du rêve : c’est une compagnie aérienne qui vole haut et loin, tout en gardant les pieds sur terre. À la question posée il ya déjà une dizaine d’années sur sa politique vis-à-vis de Madagascar, la réponse a été claire : « Nous essayons de consolider cette destination car c’est un marché qui croît de 8% par an, notre part se situant aux environs de 17%. Le marché français est très demandeur de la destination Madagascar, et nous travaillons avec l’ensemble des TO (tour operators). Nous sentons de leur part la volonté de s’engager de manière plus importante ». [caption id="attachment_68170" align="aligncenter" width="300"] Corsair développe son réseau de vols réguliers autour de quatre principales zones : la Grande Caraïbe, le Canada, l’Afrique de l’Ouest et l’océan Indien.[/caption] Visites - Le Rova et ses hôtes de marque S’il est un endroit à Antananarivo que les personnalités de passage n’ont jamais manqué d’honorer d’une visite, c’est bien le Rova et son Palais de la Reine. Ce fut le cas en 1948 du romancier-académicien Georges Duhamel ; en 1951 de François Mitterrand alors ministre de la France d’Outre-Mer ; en 1953, et en 1958 du Général de Gaulle et de sa femme Yvonne. Même après l’incendie et durant la reconstruction, le Palais n’a rien perdu de sa majestueuse force d’attraction. En 2006, il reçut la visite de Koffi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, un magnifique lamba malgache en soie écrue sur l’épaule. Il eut ce mot très apprécié par toute l’assistance : « Au début, c’était donc un Palais de bois qui fut ensuite entouré par un ouvrage en pierre. Aujourd’hui c’est le contraire, les architectes et les techniciens ontdécidé de commencer par la pierre. C’est comme dans la Bible : les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers ! » Le tout avec son délicieux a ccent d’anglophone. En 2007, ce fut le tour du Prince Akishino du Japon, grand défenseur du patrimoine culturel et naturel, suivi la même année par son Altesse Karim Aga Khan IV. Très soucieux des questions d’authenticité, ce dernier eut d’abord du mal à admettre l’utilisation de matériaux modernes. Après s’être fait expliquer les chartes d’Athènes et de Venise qui régissent la restauration de monuments historiques, il se laissa finalement convaincre, et envoya un mois plus tard une importante contribution aux travaux. [caption id="attachment_68171" align="aligncenter" width="300"] Akishino et rova : Le prince Akishino
du japon a visité le site du rova en 2007.[/caption] Lettres sans frontières - Keats In Endymion (1817) Tout objet de beauté est une joie éternelle (traduit de l’anglais « A thing of beauty is a joy forever ») Tout objet de beauté est une joie éternelle: Le charme en croît sans cesse, jamais Il ne glisseradans le néant, mais il gardera toujours Pour nous une paisible retraite, un sommeil Habité de doux songes, plein de santé, et qui paisiblement respire. Aussi, chaque matin, tressons-nous Des guirlandes de fleur, pour mieux nous lier à la terre, Malgré les désespoirs et la cruelle disette. De nobles natures, malgré les sombres journées Et tous les sentiers malsains enténébrés Ouverts à notre quête ; oui, malgré tout cela, Une forme de beauté écarte le suaire De nos âmes endeuillées. Tels sont le soleil, la lune, Les arbres vieux ou jeunes qui offrent le bienfait De leurs printaniers ombrages. Aux humbles brebis ; tels sont encore les narcisses Et le monde verdoyant où ils se logent, Les ruisseaux limpides Qui se bâtissent un frais couvert En vu de l’ardente saison, le taillis au fond des bois, Richement parsemé de la splendeur des roses musquées ; Telle aussi, la magnificence des hautes destinées Que nous avons rêvées pour les plus grandes morts (…) Et ce n’est pas seulement pendant une heure brève Que nous pénètrent ces essences ; non, comme les arbres Qui chuchotent autour du temple sont bientôt devenus Aussi précieux que le temple lui-même ; ainsi la lune La poésie, cette passion, merveilles infinies, Nous hantent jusqu'à devenir le réconfortant flambeau De nos âmes et s’attachent à nous d’un lien si étroit. Que dans le plein soleil comme sous un ciel couvert et sombre Il nous les faut toujours à nos côtés, ou c’est la mort. Photos : Archives de l’Express de Madagascar – AFP  
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