Réinventer la démocratie à l’africaine


Un état des lieux des droits de l’Homme et de la démocratie ainsi que leur avenir mérite d’être débattu. Dans un contexte global et continental où ces deux concepts sont bafoués, où les grandes institutions internationales que les pays ont mis en place et que certains d’entre eux commencent à renier ; il est important de se poser des questions sans concessions. Le 19 juin 2018, les États-Unis décident de se retirer du Conseil des Droits de l’Homme (CDH) sans que les instances onusiennes, sans que les autres pays ne puissent rien y faire. Le tableau s’annonce sombre. Le plus intéressant est d’analyser trois grands paradoxes sans précédent. Premièrement, force est de constater que les États en tant qu’institutions sont de plus en plus faibles. Ils sont gangrénés par de multiples maux systémiques comme la mauvaise gouvernance, la corruption, le népotisme, les détournements. Les dirigeants qui sont censés gouverner durant cinq ans s’éternisent et tentent de galvaniser le pouvoir jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les États manquent de moyens comme d’initiatives et de programmes. Pourtant, plus que jamais, nous avons besoin des États. Ils sont incontournables si on veut des changements dans le court comme le long terme. Ni la société civile, ni la société économique ni tout autre acteur de la vie de la société ne peuvent faire cavalière seule. Second paradoxe, les discours sur les Droits humains ont atteint leur summum. Les méca­nismes, les procédures, les institutions de protection et de promotion des droits n’ont jamais été aussi sophistiquées. De même, les réflexions, les textes et leurs déclamations par le biais des médias n’ont jamais été aussi poussés. Pourtant, la violation de ces droits n’a jamais été aussi subtile et maquillée. Il reste dans l’histoire des périodes de carnage comme celles des camps de concen­tra­tion, de la Shoah, des déportations des hommes et femmes de l’Afrique pour aller construire les pays d’Europe et les États-Unis. Seulement, ce qui se passe présentement dans les guerres sur le continent, les massacres des peuples par les dictateurs, la faim chronique et les maladies sont malheureusement autant terribles. Troisième paradoxe, l’exercice de la démocratie n’a jamais été autant réel. Par exemple, la liberté de la presse sous toutes ses formes n’a jamais été autant poussée et diversifiée. Les moyens de communication pour la démocratie n’ont jamais été autant multiples. L’exercice du vote et les élections n’ont jamais été aussi libérés. Force est pourtant de constater que plus cela avance, plus les risques de crise pré ou post électoraux n’ont été plus que jamais présents. De même, les répressions face à la liberté d’opinion, d’expressions acquises sont masquées et virulentes. Finalement, il est important de pointer un fait qui pollue de plus en plus la démocratie en Afrique et dans le monde: l’interférence croissante de la sphère politique et la sphère économique. On pense que celui qui a bien géré ses affaires gèrera forcément bien le pays. Madagascar en a fait les frais à deux reprises en pensant qu’autant Ravalomanana que Rajoelina pouvaient faire le miracle. Soyons clair, aux problématiques politi­ques, penser que des réponses économiques puissent apporter des effets inscrits dans la durée est utopique et irresponsable.
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