Candide ou Machiavel ?


J’allais en faire le chapô d’une vieille Chronique du 8 avril 2009 («Moi, simple citoyen»). Pour mémoire, le 17 mars précédent, venait de se commettre le putsch des officiers renégats à l’épiscopat d’Antanimena. L’un de ces flibustiers avait même menacé de son kalachnikov l’ambassadeur des États-Unis. Commençait alors un aventurisme, dont on a donc pu dater exactement le début, sans que personne puisse prophétiser quand allait cesser le braconnage à échelle industrielle du bois de rose, de l’or et de tant d’autres richesses minières ; sans que personne puisse prédire l’abrogation de la FIS, police politique d’exception ; sans que personne puisse jamais dire, simplement comment, on allait pouvoir ressusciter les archives calcinées de la Radio Nationale. Nous voilà en 2018 : et je vois, incrédule, comment cette population malgache peut être amnésique. Comment, il suffirait donc, chaque fois, que les années passent pour que l’impardonnable soit amnistié ! Et 1991 ! Et 2002 ! Et 2009 ! Si l’opposition a autant le vent en poupe en 2018, au point de pouvoir imposer un calendrier électoral anticipé, c’est que les espoirs placés en 2013, dans l’élection d’un Président de la République, ont été déçus. Encore une fois, comme en 1991, comme en 2002, comme en 2009, les individus les moins improbables d’incarner la renaissance morale, ont pourri le fruit de l’intérieur. Trop de scandales touchant des personnages trop proches du premier cercle présidentiel sans que, jamais, des sanctions exemplaires soient prises. C’est-à-dire, simplement, que la Justice suive son cours. Non, il a fallu qu’une conseillère spéciale en cours d’accusation soit embarquée (et c’est le mot de le dire) dans une «Evasan» (évacuation sanitaire) et échappe à la prison ; il a fallu qu’un parlementaire «prenne d’assaut» (avec les guillemets de rigueur) la zone putativement rouge du BIANCO (Bureau Indépendant Anti-Corruption) avant d’être récompensé d’un portefeuille de ministre ; il a fallu qu’un ministre, recyclé de tous les précédents régimes, et dont la seule évocation a suffi à hérisser deux administrations (Fonction Publique et Postes), soit (re)nommé membre du Gouvernement, quitte à endurer une grève dure qui engage directement le Chef du Gouvernement. La liste n’est pas exhaustive des révélations scandaleuses des cinq dernières années, et il faut craindre qu’elle ne soit pas close tant que les «improbables» (ils ont gagné leurs guillemets) continuent de sévir, c’est-à-dire, finalement, de se laisser aller simplement à leur nature cléptocrate. Pour le moins, ledit Président élu n’a jamais su assainir son entourage. Jamais su s’appuyer sur le bon grain, pour exclure l’ivraie. Mais, alors, parce que ce mandat légal, et ce simple mot n’est pas un luxe quand on sait ce qu’il en coûte d’être putschiste, a déçu, il faudrait s’abandonner à un autre aventurisme, cette fois, avec les «improbables» de tous bords et de toutes les précédents époques, avançant à visage découvert ! Ce ne serait plus la ruine de la supériorité morale, mais la ruine tout court ! J’ai pu lire quelque chose, à propos de la rivalité entre François Mitterrand et Michel Rocard : le premier ayant réussi à se faire élire Président de la République française, le second mourant avec ses idées d’une «deuxième gauche» seulement reconnue à titre posthume. Ce texte disait de celui-là qu’il était le florentin, et celui-ci un candide. Personne n’aura retenu le personnage éternellement optimiste mais désespérément malchanceux de Voltaire. Tout le monde aura donc appris de Machiavel.
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