Les Vazimba, de clans primitifs à de forces invisibles


Vazimba et Hova sont-ils deux races distinctes ou les deux termes traduisent-ils deux systèmes politiques différents de clans qui passent « du désordre à l’ordre » ? Pour l’historien Édouard Ralaimihoatra, en revenant sur un passage des « Tantara ny Andriana eto Madagascar » du père Callet, « Ny itoerany Vazimba nososohany Hova », (« Andriamanelo plaça des Hova là où il y avait des Vazimba »), ce dernier ne parle pas de refoulement d’une race, mais d’une annexion de clans par un chef plus fort (lire précédentes Notes). Il s’explique : « Il n’y a pas eu de refoulement des clans vaincus. Andriamanelo n’a pas fait le vide là où il a remporté ses victoires. Il a colonisé- et c’est là la meilleure traduction du verbe manosoka qui signifie surtout doubler- les clans arrachés à l’autorité de leurs premiers chefs. » L’historien ajoute que l’usage, de moins en moins fréquent, du mot vazimba pour désigner la population de l’Imerina, lui fait acquérir divers sens qui portent l’empreinte du temps et de la superstition. « Pour avoir été, pendant longtemps, les adversaires tenaces des successeurs des Vazimba d’Ampandrana, Andriampirokana et son clan sont devenus particulièrement célèbres et ont passé pour les seuls Vazimba authentiques de l’Imerina. » Cette tradition leur vaut un culte durable grâce auquel leurs descendants perpétuent le refus de se soumettre au pouvoir monarchique. Cependant, d’autres chefs de clans primitifs sont aussi l’objet d’un culte, à commencer par les fondateurs mêmes de la dynastie royale. « Le culte généralisé des Vazimba a transformé ces derniers en forces invisibles, méchantes, réfugiées dans les endroits peu fréquentés tels que les sources et les vallons, où il fallait les craindre et les satisfaire sous peine d’en être les victimes. » C’est pourquoi, explique l’historien, la religion des habitants de l’Imerina contribue à l’évolution du sens du mot vazimba qui finit par caractériser ce qui est ancien, ce qui est délaissé. Son interprétation se base notamment sur l’expression merina « fasam-bazimba», tombes des «Vazimba ». Ce sont des tombes laissées à l’abandon, « primitivement celles des chefs de clans évincés, plus tard celles que personne n’entretenait plus ». Édouard Ralaimihoatra cite quelques exemples. Telle la tombe de Ravolon­drenitrimo, sœur présumée d’Andriamasi­navalona, morte sans postérité. Ou celle d’Andriantomponimerina à qui échoit Ambohidratrimo lorsque son père, Andria­masinavalona, partage son royaume entre ses quatre fils. Mécontent de ce partage, Andriantomponimerina réclame à son père, sans les obtenir, les parts de ses frères. Pour se venger, il attire Andriamasi­navalona dans un piège pour s’emparer de lui et le retenir en captivité pendant sept ans. Mais il meurt du vivant de son père qui, afin de punir ce fils ingrat, le condamne, selon ses propres paroles, « à n’avoir qu’un fasam-bazimba, une tombe qu’il ne faut pas entretenir ». Pour conclure son étude, Édouard Ralaimihoatra résume que les clans vazimba sont cloisonnés entre eux à leur arrivée en Imerina. Ils perdent de ce fait, leur « nom ethnique ». Andriamanelo est le premier à rompre cette situation afin de reconstituer l’unité de la race pour « remédier à la polyarchie, non à l’anarchie ». Cette unité reconstituée, les Vazimba se voient appeler Hova, les habitants de l’hinterland. Au temps d’Andriamanelo, comme sous le règne de ses successeurs Ralambo et Andrianjaka, « il n’y eut ni guerre d’extermination, ni guerre de refoulement total des Vazimba, ni guerre de races.» L’historien rappelle enfin que « les Vazimba sont les ancêtres des Hova », comme en font foi « la généalogie des souverains de l’Imerina et le culte rendu au cours de l’histoire aux fondateurs de cette généalogie ». Ces derniers descendent eux-mêmes des Vazimba qui ont stationné pendant quelques siècles sur la côte Est de Madagascar, avant de pénétrer dans l’intérieur de l’ile et, très probablement, des Vazimba de Java, dont Van der Steel parle dans son ouvrage Relations de Java.
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