Le peuple malgache ne doit pas se laisser voler l’élection


Nous nous croyions enfin arrivés en démocratie, nous voilà débarqués en Absurdie ! Tout avait pourtant bien commencé : un président qui, pour la première fois à Madagascar, respecte la lettre de la Constitution et démissionne pour offrir la chance d’une élection libre, une liste électorale qui, sur le papier, semblait à peu près valide, un premier tour sans trop de violences, sauf celles organisées par les partisans orange…Mais derrière cela, combien de ratés, d’approximations, de fraudes ! On apprend bien vite que la liste électorale compte des morts, mais omet des vivants, inclut des mineurs, mais exclut nombre d’électeurs de 2013, et on apprend que, même des inscrits, se sont vu refuser l’entrée aux bureaux de vote. Mais ce n’est pas grave, après tout, puisque l’on apprend aussi que circulent déjà des bulletins de vote pré-remplis, que des chefs de bureau de vote complices échangent contre des bulletins vierges, et permettent de gonfler dans des proportions incroyables les résultats d’un candidat et le n°13 est souvent pointé du doigt. Alors, pourquoi s’inquiéter, quand un parti politique a décidé de voter à la place des Malgaches ? On découvre que le même achète les assesseurs des partis concurrents, et qu’en définitive, le vote des électeurs malgaches compte bien peu, puisque l’on ne connaîtra jamais les vrais résultats de cette consultation catastrophique et désorga­nisée. Quand d’autres pays se plaignent que telle ou telle puissance extérieure aurait manipulé leurs élections, nous Malgaches, nous ne devons chercher nos manipulateurs que chez nous. Mais nous avions été prévenus pourtant. Depuis la crise d’avril, il était évident que la machine démocratique s’était enrayée. Une manifestation maladroitement interdite par la préfecture d’Antananarivo a fourni à deux anciens putschistes, l’occasion idéale de mettre à bas tout l’édifice démocratique patiemment reconstruit depuis les dernières élections libres de 2013. Et les deux frères ennemis ont uni leurs forces pour abattre le dernier verrou à la prise de pouvoir : à force de harceler les administrations, l’Assemblée Nationale, et les citoyens, ils se sont partagé un gouvernement à leur convenance pour organiser les élections à leur profit. Et c’est ainsi qu’avec une pléthore de 36 candidats, Madagascar se retrouve aujourd’hui à faire un Grand Bond en arrière, pour revenir à la situation pré-insurrectionnelle de 2009 ! Honnêtement, quel Malgache peut contempler sans horreur cette époque de régression terrible de notre pays ? Le coup d’État de 2009 avait ouvert une des périodes les plus sombres de notre pays, et nous voudrions y retourner ? Sommes-nous si désespérés ? N’y avait-il parmi les 36 candidats, réellement aucun autre que les deux millionnaires antidémocrates qui ont jadis saccagé notre pays ? Hier, nous avions une chance inédite en Afrique subsaharienne, celle de pouvoir organiser des élections vraiment libres et transparentes. Aujourd’hui, nous avons une situation absolument inouïe, même en Afrique subsaharienne, celle d’une élection dont les résultats sont unanimement contestés, par les vainqueurs comme par les perdants. A-t-on jamais vu les lauréats d’un premier tour, contester les résultats qu’ils avaient pourtant manipulés à leur avantage ? C’est comme s’ils se reprochaient à eux-mêmes publiquement d’avoir été incapables de mieux frauder, de frauder de manière plus efficace, plus décisive, pour l’emporter chacun au premier tour ! par Rabehajaina Richard
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