Monnaie coulante


Jusqu’où ira l’ariary dans sa descente aux enfers ? Jamais dans l’histoire la dépréciation de l’ariary n’a été aussi importante et rapide. Elle a perdu presque 6% de sa valeur depuis le 2 octobre et a encore été délestée de 0,35 % depuis mardi. Au marché informel, le cours frôle les 4000 ariary pour un euro. Et ce n’est pas fini vu la rapidité de la décote.Il faut remonter au début de 2004 pour retrouver les traces d’une semblable déchéance rapide et durable. À l’époque, l’ariary était passé de 1000 à 2600 pour un euro en quelques semaines sans qu’aucun économiste puisse expliquer le phénomène. Il n’y avait aucun paramètre évident pour justifier la chute libre de l’ariary deux ans après l’arrivée de Ravalomanana au pouvoir. À moins de considérer une pression « politique » des institutions financières, lesquelles n’étaient pas visiblement favorables à l’avènement du patron de Tiko, réputé pour sa francophobie. Le ministre des Finances n’a trouvé mieux que d’évoquer des spéculations peu probables étant donné l’importance de la dépréciation. C’était d’autant plus incroyable que l’ariary n’a pas bougé d’un iota durant huit mois de crise, en 2002, où toute la vie économique était bloquée. Logiquement c’est à ce moment qu’il aurait dû s’écrouler. Le phénomène se répète sauf qu’actuellement le gouver­neur de la Banque centrale préfère une explication des plus simplistes et fallacieuses à des théories monétaires compliquées évoquant l’importation massive de fin d’année ainsi que la fin de la campagne de la vanille. Deux points qui ont du mal à convaincre, étant donné que l’importation massive de fin d’année n’a jamais fait flancher l’ariary les années précédentes. En outre, le dernier trimestre devrait correspondre au rapatriement de devises des exportateurs de vanille dont la campagne a été exceptionnelle cette année, le kilo de l’or noir ayant atteint le montant astronomique de 2 millions d’ariary. En fait, c’est l’économie en général qui est moribonde, malgré les prévisions de croissance et les satisfecits des bailleurs de fonds. La chute du prix du nickel paralysant les activités d’Ambatovy y est pour beaucoup, quand on sait qu’il est le premier pourvoyeur en devises étrangères depuis quelques années. Il faut s’attendre ainsi, à moins justement d’une intervention de la Banque centrale pour juguler l’hémorragie, à une explosion des prix en cette période de fête. Les commerçants ont d’ailleurs très vite compris les choses. Hier, le riz de luxe s’achetait à 2400 ariary le kilo, l’œuf à 600 ariary l’unité sans parler bien évidemment du prix du carburant et du gaz. Et plus les fêtes approchent, plus les prix vont s’envoler. Pour le moment l’État est absolument incapable de réguler la situation. L’effet de l’importation massive de riz est relatif, voire nul au niveau des prix complètement incontrôlables. Les sanctions annoncées contre les auteurs de rétention de stocks restent comme de tradition, au niveau des intentions. La chute de l’ariary ne fait trembler personne et réjouit les rares exportateurs, seuls à y trouver leur intérêt. Le reste de la population doit faire avec cette monnaie coulante et trébuchante. Le changement de billets n’a finalement pas aidé l’ariary à gagner au change. Par Sylvain Ranjalahy
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