Une variété de « tanàm-panjakana » sur la route de l’Est


Le royaume merina du XIXe siècle se caractérise par un chapelet de centres fortifiés, témoignage de la présence merina dans le pays betsimisaraka. Selon Manassé Esoavelomandroso en 1979, dans son livre « La province maritime orientale du Royaume de Madagascar à la fin du XIXe siècle- 1882-1895 », chaque centre comprend deux quartiers : d’une part, le port habité par les Betsimisaraka et les étrangers, d’autre part, le fort dominant les maisons qui abritent les soldats merina et leurs familles. Parfois, les deux quartiers, séparés l’un de l’autre par plusieurs kilomètres, forment deux villes distinctes comme le couple Tanimandry (centre militaire et administratif) et Andevoranto (centre commercial), ou Maintinandy (centre militaire) et Vatomandry (centre administratif et commercial)… 23« Cette présence merina apparait aussi dans l’existence de zanabohitra ou villes-enfants , des chefs-lieux de district en quelque sorte, et de ce que certains Betsimisaraka appellent tanàm-panjakana ou villages administratifs, et qu’ils distinguent bien des villages betsimisaraka proprement dits. » Quelques-uns n’existent plus, d’autres subsistent, mais ils n’ont plus leur ancienne importance. D’autres encore continuent à jouer leur rôle de centres administratifs et sont plus ou moins animés ou actifs. Toujours selon l’auteur, la variété des conditions de leur création, explique la diversité des « tanàm-panjakana ». « Ces centres d’encadrement des Betsimisaraka et de rayonnement de la civilisation aux yeux des autorités merina, bouleversent par leur existence, l’économie et la culture des populations soumises. » Vers la fin du XIXe siècle, trois types de villes administratives existent. Manassé Esoavelo­mandroso indique que les plus anciens et les plus connus grâce aux relations des voyageurs, sont les villages-étapes de la piste Toamasina-Antananarivo. Entre les deux, s’égrènent de petits hameaux de cinq ou six cases, des villages d’une cinquantaine de cases comme Ankarefo, et même de gros centres comme Beforona avec son «rova », « le fort habité par l’officier, commandant de la place, son temple et son école. Ce qui assure aux Tsimandoa, courriers royaux qui sont endurants, et aux maromita, porteurs de marchandises, de trouver un gîte. Car « un convoi qui ne trouver pas à se loger dans un village déjà occupé par un autre, peut facilement continuer sa route et s’arrêter à l’étape suivante, en raison de la courte distance séparant deux hameaux voisins. » Une garnison légère de cinq à six hommes est installée dans chaque village-étape qui continue à garder son chef civil, « mpitan-tsaina ». Les hameaux environnants y envoient chacun un contingent d’hommes valides qui forment une « réserve de main-d’œuvre » disponible pour le transport de voyageurs et de marchandises. Appelés jadona ou tetezanolona (pont humain ou relais), ils doivent assurer aux Tsimandoa le gîte et le couvert bien qu’ils reçoivent leurs vivres de leurs familles. « Après leur temps de service qui dure plusieurs mois, ils sont remplacés par un autre contingent. Ainsi, la population valide d’un village n’est jamais au complet, à aucun moment de l’année. » Il y a également les « villages-centres » qui font surtout leur apparition après la guerre franco-merina de 1883-1885, sur l’initiative de Rainan­driamampandry, gouverneur général de la province de l’Est (1882-1895). Son objectif étant de rapprocher l’administration royale des Betsimisaraka et de faire participer ces derniers à la défense du royaume, en juillet 1885, il installe dans chaque gros village vingt soldats, tous Betsimisaraka, chargés de garder la forêt et de faire régner l’ordre et la paix. En septembre 1889, Rainandriamampandry perfectionne cette organisation administrative en plaçant les soldats dans tous les gros villages d’un canton, sous les ordres d’un officier merina avec résidence dans le plus gros centre. Ainsi Ranomafana, Rainizoronia, commande le territoire des Tsimanolo qui comprend six gros villages et donc six garnisons de vingt soldats betsimisaraka. Ces villages-centres, caractérisés par l’intrusion permanente dans l’univers villageois, des soldats perçus comme les agents de l’autorité royale, sont de deux sortes : les villages-garnisons et les villages de regroupement.
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