Antsirabe, un ancien bagne de la royauté merina


La région du Vakinankaratra dont Antsirabe- « ville consacrée actuellement au repos et à l’agrément »- est le chef-lieu, doit son nom au massif montagneux du centre de l’ile. D’après les techniciens qui mènent une étude sur la contrée, vers la fin de l’époque coloniale, elle est habitée par une population apparentée à la fois aux Merina et aux Betsileo, et d’ailleurs, sous la monarchie merina, le Vakinankaratra constitue le sixième territoire du royaume. Mais à l’époque, Antsirabe n’est alors qu’un infime village, le centre administratif étant Betafo, sur la piste du Sud. D’après des historiens, le nom d’Antsirabe n’émerge des brumes de l’histoire locale qu’au XVIIIe siècle, « lors du passage dans la région de l’un des lieutenants de Benyowski, Mayeur ». Ce dernier est frappé par la fertilité des terres et la variété de leurs couleurs. Mais la localité n’est surtout connue, il y a une centaine d’années, que comme pénitencier. Le gouvernement hova y déporte, entre autres, ses condamnés politiques et en fait, « avant la lettre», un camp de concentration. Vers le milieu du XIXe siècle, le nom d’Antsirabe s’applique « à quelques misérables huttes, habitées par des bagnards chargés de fers et mal nourris ». Elles se trouvent alors près de la piscine actuelle, « à proximité de fours à chaux aménagés en cet endroit ». C’est là d’ailleurs que provient la chaux utilisée par Jean Laborde pour ses divers travaux de maçonnerie. « Au double titre de corvéables et de condamnés, les prisonniers concentrés à Antsirabe travaillaient dans des conditions analogues à celles des esclaves de certaines mines de l’Antiquité. » En 1872, le missionnaire Rosaas arrive et s’installe dans le hameau. Il y fait un travail admirable pendant trente cinq ans, jusqu’à sa retraite en 1907, initiant ainsi son essor. Il commence par construire la station de la Mission norvégienne, « la première maison digne de ce nom ». Situé près du Square Rosaas, ce grand bâtiment fait encore bonne figure vers la fin de la colonisation, « avec sa rangée de filaos, eux aussi les doyens des arbres plantés dans cette ville où il y en a tant et de si beaux ». Le pasteur Rosaas est, pendant vingt-cinq ans, le seul résident européen d’Antsirabe. Né grand bâtisseur, il forme des équipes de maçons, de charpentiers et de menuisiers. C’est lui qui trace le plan sommaire de la future ville, entreprend et mène à bien de grands travaux de voirie et d’adduction d’eau potable, fonde une école, un hôpital, une léproserie. Et ce n’est pas tout. « Il explora le sous-sol, mit en évidence les ressources hydrominérales de l’endroit et les fit analyser par un laboratoire d’Oslo. » Il montre ainsi que les qualités des eaux thermales d’Antsirabe les apparentent à celles de Vichy et crée lui-même l’expression « Rano Visy » qui demeure jusqu’à nos jours. Ses découvertes attirent alors l’attention des savants sur Antsirabe et sur ses richessesfossiles et thermales. « Toutefois, Antsirabe ne dépassa pas, avant l’arrivée des Français, les proportions d’un simple gros village. » En effet, celui-ci devient chef-lieu de district en 1901 et chef-lieu de province (les provinces de Joseph Simon Gallieni) en 1904. Le gouverneur général Albert Picquié (1910-1914) qui aime beaucoup la tranquillité de la bourgade, est le premier à en faire un lieu de repos et de cure. En 1913, il fait venir Pierre Perrier de la Bâthie : les travaux de ce dernier contribueront beaucoup au développement des ressources hydrothermales des lieux, et son nom sera même associé à la principale source. Le gouverneur général envisage également l’ouverture d’une voie ferrée reliant Antsirabe à Antananarivo, fait planter des mimosas tout au long du parcours, et surtout dans les proches environs de la ville d’Eaux. Son but étant de favoriser « l’approvisionnement de la future ligne en combustible ». De même, le projet de l’hôtel des Thermes, autrefois Grand Hôtel puis Terminus, est aussi établi sur son initiative. Mais finalement, le véritable essor de la station thermale remonte aux années 1917 à 1923 et résulte de l’intérêt que lui porte le gouverneur général Hubert Garbit. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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