Les troupes de Radama dans l'Anosy


Pour le roi Radama, l’année 1825 marque l'apogée de la puissance et de la gloire: les régions les plus riches de Madagascar sont sous contrôle; les ports ou les points de trafic les plus actifs sont entre ses mains, tant sur la côte orientale que dans le Nord-ouest, exception faite de l'extrême Nord alors quasi désert. Une seule région et un seul point de trafic échappent encore à la douane merina: la province d'Anosy et son port, le Fort Dauphin. « Aussi, fin 1824, décide-t-il de mettre fin à cette situation qui blesse son amour-propre. » Selon Christian Mantaux (1921), l'agent anglais James Hastie n'est pas étranger à cette décision royale, « car l'objectif des gouverneurs de Maurice est toujours le même: priver la France de toute base de commerce permanente à Madagascar et leur agent applique cette politique que lui dicte M. Telfair ». Depuis quelques années, si aucun chef malgache ne peut plus s'opposer à l'immense armée de Radama, les chefs du Sud demeurent dans une totale indépendance. La France, surtout sa colonie de l'île Bourbon, ne cesse de revendiquer tous les territoires malgaches qu'elle a occupés avant la défaite napoléonienne. Son ravitaillement en viande et en riz en dépend trop. Cependant, la pénurie en troupes de Bourbon ne permet pas au gouverneur de l'île de concrétiser ses intentions sur le Fort Dauphin et ce n'est qu'une force symbolique de trois soldats- Gérard, Roger et Milheau- commandée par le sous-lieutenant de Grasse, qui reprendra possession des ruines du Fort. Garnison réduite à sa plus simple expression, « bien plus faite pour affirmer aux nations étrangères la volonté française de ne pas abandonner ses points traditionnels de traite qu'en imposer à Radama dont l'intransigeance sur la côte Est, quant à la présence des troupes étrangères sur le sol de l'île, est bien connue ». Le gouverneur de Bourbon en est tellement conscient qu'il remet un modèle de protestation à de Grasse, à remplir si Radama s'empare du Fort par la force. Dans un rapport qu'il adresse au gouverneur de Bourbon, le sous-lieutenant de Grasse l'informe que, « depuis le 25 février, j'ai été menacé de l'arrivée des troupes de Radama, roi des Ovas. Le 26, les Malgaches ont abandonné leurs villages, quelques-uns pour s'unir à leurs chefs, les autres pour chercher un asile dans les bois ». Le 27 février, les troupes de 4 000 hommes du général Ramananolona campent déjà à quelques kilomètres du Fort Dauphin. De Grasse envoie le soldat Roger, avec un Français et une interprète locale, porter la protestation au général merina. Ils arrivent au campement installé au milieu des marais, alors que celui-ci est attaqué par les habitants de l'Anosy, et sont témoins de la déroute totale des agresseurs. Le soldat Roger est reçu par un capitaine. « Il a répondu que Radama ne venait pas pour faire la guerre aux Blancs, mais qu'il vient lui-même pour s'emparer au nom de son roi de toutes les terres, ports et rades, en un mot de tout Madagascar; que Radama verrait avec plaisir sa terre habitée par les Blancs, mais ne souffrirait pas d'autres pavillons que le sien. » Une réponse qui ne peut que renforcer de Grasse dans sa détermination à mettre le Fort à l'abri d'un coup de main, faisant creuser des fossés tout autour. D'autant que « j'apprenais tous les jours la défaite de quelques-uns des chefs voisins du Fort Dauphin qui avaient cherché à se défendre du joug qu'on tenait à leur imposer ». De Grasse précise néanmoins qu'ils auraient mieux résisté s'ils ont été conduits par un autre chef. C'est ainsi qu'il parle de Rabefagnony, venu un jour au fort pour lui demander des fusils et de la poudre. Mais comme de Grasse lui-même n'en a pas assez pour ses hommes, il lui propose de venir travailler aux fortifications et de s'enfermer dans le fort pour le défendre. La réponse de Rabefagnony est « qu'ils étaient trop faibles pour résister aux troupes de Radama ». De Grasse lui demande à son tour une pièce de canon en sa possession pour résister aux troupes de Radama. « Sa réponse m'a confirmé dans l'idée qu'il ne demandait des armes que pour un tout autre usage. » Cependant, devant la détermination des Français, Rabefagnony accepte « moyennant quelques bouteilles d'arack et quelques brasses de toiles» pour lui, sa femme, son « ampitacle » et les hommes qui la transporteraient au Fort Dauphin. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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