Une Cour animée de contrastes violents


Quelque temps après qu’elle a tourné le dos, on constate des efforts de réhabilitation de Ranavalona Ire, accusée « d’usurpatrice du trône », de sanguinaire »… Le premier à le faire est Rahaniraka, frère de Raombana, secrétaire privé de la reine et historien. Simon Ayache, à partir d’écrits d’historiens et écrivains, essaie d’expliquer le comportement de la reine à travers son portrait, surtout « moral » (lire précédente Note). D’après lui, l’atmosphère religieuse de l’époque alors que le christianisme a encore peu de prise, n’inspire guère la sérénité totale devant les mystères du monde. « Ranavalona connut toutes les terreurs du surnaturel. Elle souffrait d’une peur panique de la maladie et au moindre malaise, faisait accourir à son chevet les ombiasy célèbres, toutes sortes de praticiens, guérisseurs antemoro et doctoresses antanosy, au besoin des médecins européens. L’étrange, nécessairement maléfique, lui inspirait une profonde inquiétude qui rendit inébranlable sa foi aux idoles. » Concernant «l’inéluctable problème de sa cruauté, ses récits épouvantables, prisonniers égorgés, servantes torturées, condamnés crucifiés, villages entiers soumis au tanguin », Rahaniraka et le pasteur Andriamifidy ébauchent une réponse. Certes, Ranavalona n’a pas toujours le cœur tendre, mais il semble « qu’elle ait cru à la nécessité des châtiments exemplaires et les habitudes du temps, le type de sensibilité qui prévalait à la Cour, ne la retenaient pas sur cette pente douloureuse ». Jean Laborde, un de ses nombreux amis intimes, confie quelques souvenirs à Alfred Grandidier. « Elle n’était pas la méchante femme que l’on croit. Dans la vie ordinaire, elle était même bonne et elle aimait passionnément son fils, mais elle était superstitieuse à l’excès et les favoris auxquels elle se livrait à la lettre, corps et âme, et qui avaient sur elle un fort ascendant, ainsi que les conseillers perfides et méchants qui lui prodiguaient des hommages comme à une divinité, l’y encourageaient afin d’avoir prise sur elle. »Poursuivant son explication, S. Ayache souligne que Ranavalona fait corps avec son peuple et autour d’elle, la cour de ses officiers et conseillers exprime au plus haut niveau les sentiments profonds, les croyances séculaires de ce peuple. « L’âme populaire trouvait son reflet dans la vie de la Cour et dans la conscience de la reine. » Pourtant, ajoute-t-il, cette vie et cette conscience ne sont nullement noyées dans les traditions que l’on désire sauver, mais au contraire, « animées de contrastes violents, gout passionné des nouveautés curieuses et fidélité inquiète aux coutumes consacrées ». Ainsi, au palais, alternent les moments de plaisir, de gaité lors des réceptions ou des cérémonies officielles, les heures de réflexion ou d’étude, et les jours d’exaltation patriotique ou d’angoisses mystiques. » William Ellis rapporte avec satisfaction « qu’il fut très entouré à la Cour par une jeunesse élégante et bien éduquée, avide de connaitre le monde extérieur, la vie des grandes puissances européennes, les préoccupations de leurs peuples ». Mais l’agent anglais Lyall rapporte l’émotion soulevée autour de la reine par les « récits d’une vieille femme de Mahazoarivo qui voit chaque nuit le fantôme de Radama à cheval surgir des ténèbres. Et pour apaiser l’esprit irrité, il a fallu d’innombrables sacrifices ». Enfin Raombana « sent courir avec angoisse, à travers les cérémonies et les fêtes, les fils des conspirations, les menaces du poison». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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