L’union fait la farce


De qui se moque-t-on ? Après cinq années de guerre sans merci, après s’être regardés en chiens de faïence pendant dix ans, les voilà prêts à vivre le grand amour. Il a suffi donc d’une pirouette magistrale, dont lui seul a le secret, de Marc Ravalomanana au détour d’une conférence de presse tenue chez lui, pour qu’on trouve le fil d’Ariane qui a échappé aussi bien aux médiateurs nationaux qu’aux réconciliateurs de la communauté internationale. Marc Ravalomanana se dit prêt à rencontrer l’ancien président de la Transition Andry Rajoelina parce qu’il l’aime du fond coeur. Ce dernier trouve enfin écho à son credo qu’il a tenu à mettre dans la devise de la République en l’occurrence l’amour. Il n’a pas hésité une seconde à lui donner sa main affirmant par dessus le marché qu’il n’a aucun problème avec lui. Le bourreau et sa victime, le père et le fils se disent donc prêts pour l’union sacrée dans ce qui s’apparente à un inceste politique. Ils crachent ainsi sur le sang des martyrs du 7 février 2009 finalement envoyés à l’abattoir. Ils insultent ceux qui ont tout perdu dans les pillages et les émeutes du 26 janvier 2009, qui n’ont jamais été indemnisés d’ailleurs. Ils narguent les militaires qui ont jeté aux poubelles éthique et discipline, refusant les ordres pour soutenir le coup d’État. Ils invectivent tous ceux qui ont perdu leur emploi à cause de la suppression de l’Agoa. On aura donc perdu cinq années à courir toutes les capitales d’Afrique de Maputo à Victoria en passant par Addis-Abeba, Pretoria, Gaborone, pour tenter de dénouer l’imbroglio né du coup d’État militaire de 2009. Ils auront tourné en bourrique la population, le FFKM,la Sadc, l’Union Européenne, les États Unis, la Coi, l’Oif, l’Union Africaine...qui souffraient de leur ego. Marc Ravalomanana, quelques jours avant sa chute, avait encore eu l’insolence de snober les négociateurs qui l’ont attendu vainement au Le Hintsy alors qu’il était parti se bronzer à Mahajanga. Mais rien n’arrive par hasard et l’histoire est un éternel recom­mencement. Didier Ratsiraka et Albert Zafy ne se sont-ils pas insultés sur le plateau de la TVM lors d’un débat avant la Présidentielle de 1996 avant de se réconcilier et de faire bloc face à l’ennemi commun qu’était Marc Ravalomanana. La situation se répète avec ce salto arrière des deux saltimbanques de la crise de 2009. Alors qu’un rapprochement, une petite humilité auraient évité au pays de sombrer dans une pauvreté extrême, les deux pitres ont attendu presque dix ans pour se sentir le besoin d’un bras dessus, bras dessous. Il a fallu la menace d’une arrestation pour Ravalomanana, suite à la tuerie de 2009 pour laquelle Rajoelina l’a condamné à une peine de travaux forcés à perpétuité, et d’une menace de poursuite pour biens mal acquis pour l’ancien président de la Transition, pour que les deux protagonistes filent une idylle. Les deux risquent d’ailleurs de ne pas pouvoir se présenter à la présidentielle de cette année, justement pour avoir mis le pays dans le gouffre. À deux, on est bien évidemment plus fort pour affronter l’ennemi commun qu’est le Président Hery Rajaonairmampianina. Reste à savoir si entre un malin et un malin et demi, l’alliance peut aller au-delà d’un coup de foudre à retardement. Quand on se souvient que le nouveau maire Rajoelina avait été « convoqué » par le Président Ravalomanana à Ambohitsorohitra en décembre 2007 pour se faire tancer et prier de décroiser ses jambes, on en conclut qu’il est impossible entre un carnassier et un ange aux griffes de lion de s’amouracher. Mais qui sait, l’union fait aussi la farce. Par Sylvain Ranjalahy
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