« Il suffit d’une crise »


Aucun président fraîchement intronisé n’aura autant divisé que Donald Trump, qui occupe le bureau ovale, depuis le 20 janvier. Au lendemain de cette prestation de serment, la marche des femmes s’affiche déjà comme une significative forme d’opposition, du moins dans le monde occidental, au président américain et à ce qu’il semble incarner d’idéologie, de prise de position et de politique. Une contre-offensive féministe, mais que signifierait ce mot sans l’idée d’égalité et d’équité et donc, d’humanisme ? Simone de Beauvoir disait : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » La dernière campagne présidentielle américaine n’aura pas épargné le monde d’un spectacle assez décevant – mais ô combien révélateur quant à la partie immergée de l’iceberg – sur un certain machisme repris, grossi à l’envi à une échelle planétaire. Si les Etats-Unis ont toujours cette influence sur le monde actuel, alors l’ère nouvelle qui s’ouvre avec Donald Trump aurait-elle aussi son impact sur le regard africain sur les femmes en général et sur l’égalité des droits, en particulier ? Le féminisme est toujours un mouvement mal compris et donc « un peu » mal vu dans une société malgache où l’habitude range souvent les uns et les autres dans des petites boîtes inamovibles. Méconnu, il reste parfois cloué dans l’image que le monde se faisait des suffragettes au début du 20e siècle : hystériques, incomprises, aigries et anarchistes. D’ailleurs, peut-on encore vraiment parler d’un féminisme vraiment malgache, à l’heure où on considère le mouvement comme une démonstration  fondamentalement occidentale et donc, étrangère ? Pourtant la réalité malgache, comme celle des pays en situation précaire, reflète la disparité entre hommes et femmes devant l’accès à l’éducation et aux formations, aux soins de santé, aux microfinances, aux emplois, etc. Et la situation des femmes et des jeunes filles est toujours la plus dangereuse en temps de crises, de catastrophes naturelles, de précarités, d’insécurité matérielle ou physique. Aussi, quand le plus puissant pays se choisit comme leader un président qui se moque ouvertement des femmes, on est en droit de s’inquiéter de la marche du monde en général. D’un côté, l’inquiétant avancement des religions fanatiques qui appliquent sur les femmes des traitements inégalitaires et injustes – et qui rêvent de les étendre sur d’autres territoires, y compris ce Madagascar aux frontières poreuses. De l’autre côté, des traditions qui emprisonnent toute idée émancipatrice et libératrice des femmes à un moment où la vie politique, sociale, culturelle et économique nationale a tant besoin de leur contribution pour s’élever. Puis, cette autre idée tacitement validée par des hommes comme par certaines femmes, que ces traitements injustes qui  tiennent de la violence morale et/ou physique, peuvent être admissibles ou compréhensibles dans « certaines » situations. Ensuite, bien sûr, les  vieux préjugés de ceux qui n’ont rien compris aux femmes – et donc rien compris aux hommes, non plus. Et maintenant, à la tête de la nation la plus suivie au monde, un homme qui semble fédérer toutes les inquiétudes des mouvements égalitaires par sa seule présidence. Force est alors de rappeler aux femmes et hommes malgaches, d’où qu’ils soient, que ce combat n’est pas terminé et que nous avons aussi, même au-delà du dilemme américain, du pain sur la planche. S’attaquer à ces problèmes à la racine : la pauvreté mentale et la pauvreté tout court, mais aussi voir loin, et faire barrage à toutes ces nouvelles vagues de bigoterie, de fanatisme, et de banalisation de la violence. Ce sont ces petites choses qui s’accumulent qui feront rompre le faible rempart : une fois que les femmes sont affaiblies, c’est toute une nation qui s’écroule. Pire encore, quand celles qui ont le privilège du pouvoir ou de l’influence ne s’en servent pas pour faire avancer l’égalité ou s’en servent pour de petits intérêts trop personnels, la pauvreté s’installe pour plusieurs générations. On en parle avec légèreté et parfois, sans trop y croire et pourtant, il suffit d’une crise. Par Mialisoa Randriamampianina
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