Des couloirs surélevés entre les vérandas des Palais


Àla demande de Ranavalona II, l’architecte anglais Cameron enrobe de grosse maçonnerie le beau Palais de bois de Ranavalona Ire érigée par Jean Laborde. Comme le décrit le publiciste Urbain-Faurec en 1952, «le travail gracieux et bien proportionné de Jean Laborde offre maintenant l’aspect d’une massive cathédrale sans style, démesurée, qu’enserrent quatre tours pleines, aux toits de zinc, surmontés de croix de fer» (lire précédente Note). L’intérieur compte six salles superposées dont la superficie diminue de l’une à l’autre par suite de « la forme tronquée de la construction ». La salle du premier étage, qui mesure plus de 360 m², ne comporte aucune colonne de soutien autre que l’arbre, pilier central de tout l’édifice. Sa remarquable ampleur la fait choisir autrefois comme salle de réception des souverains. Le publiciste remarque dans son écrit quelques beaux meubles de l’époque et, dans un coin, le Trône royal surmonté de son dais, des filanjana royaux, des lits d’apparat. Les salles des étages supérieurs servent autrefois de retraite aux suivants et aux familiers de la Cour. De larges balcons qui occupent l’espace entre la construction de bois et l’entourage de pierre, font sur deux étages le tour du bâtiment. Des escaliers intérieurs, aux balustrades découpées et vivement colorées, réunissent entre eux les différents étages et aboutissent, au sommet du Palais, à une étroite plateforme battue de tous les vents et d’où s’étend sur l’Imerina une remarquable vue circulaire. À droite de Manjakamiadana, près des tombeaux royaux, s’élève Tranovola ou Palais d’argent. Le premier édifice bâti à cet emplacement est l’œuvre du maître-charpentier français Louis Gros, ou Legros, que Radama Ier emploie à Antananarivo pendant six années et à qui il commande cette construction pour l’une de ses femmes, la princesse sakalava Rasalimo. L’intérieur est alors tapissé de nattes. Les incrustations d’argent qui l’ornent, une rangée de clochettes d’argent sur le toit, lui donnent son nom. « Il n’est plus trace aujourd’hui de ces décorations. » L’édifice en 1952, reconstruit en 1845 par Ranavalona Ire pour son fils Rakoto-Radama, est également en bois, en forme de case. La Tranovola ne compte que trois pièces superposées, mais de vastes dimensions autour d’un pilier central. Elle est entourée d’une véranda de bois. La salle du rez-de-chaussée est «curieusement décorée de fresques naïves». Elles représentent des rois et des reines en somptueux uniformes de l’époque et le défilé amusant des divers éléments de l’ancienne armée malgache. Ces frises et ces peintures sont d’ailleurs nettement inspirées de l’imagerie d’Epinal. Près de la Tranovola, un emplacement vide marque la place de la case où, le 11 mai 1963, Radama II est mis à mort à la suite d’une conjuration de palais. Sous un arbre, quelques marches de pierre que rongent les mousses et les pluies, servent d’estrade aux reines pour monter en filanjana. Des escaliers multiples, des couloirs surélevés et entourés de balustrades de pierre font communiquer entre elles les vérandas des différents bâtiments. Ils mènent à une large terrasse qui domine le côté Est de la ville et sur laquelle s’élève le Manam­pisoa (surcroit de beauté), demeure de Rasoherina bâtie en 1866. Le Palais est en bois, mais de construction plus délicate et aussi plus tourmentée : c’est l’œuvre de l’architecte anglais Pool. Elle se compose de deux étages de pièces réunies autour d’une sorte d’atrium central. Quatre pièces par étage entourent un balcon intérieur de bois rare et garni d’une belle balustrade ouvragée. « Les parquets, les lambris et les plafonds de ces appartements, en ébène et en palissandre, remarquables mosaïques, donnent à l’ensemble une véritable note de luxe. » Face à ce pavillon, subsistent les traces d’un kiosque construit par Ranavalona III. « Lors du bombardement qui contraint la royauté à capituler, cette frêle habitation fut gravement atteinte et dut être démolie peu après.» Et tout à côté gisent inachevées les importantes fondations, commencées par l’architecte Rigaud, d’un palais Masoandro (soleil) pour Ranavalona III dont la déchéance arrête les travaux. Dans une courette intérieure, étroite et profonde, entre de hauts murs où poussent de sombres bibassiers et où se meurt le tronc noueux d’un pied de vigne planté, dit-on, par Jean Laborde, une case s’abrite. C’est Mahitsielafanjaka, «un esprit droit règne longtemps». Nous y reviendrons.
Plus récente Plus ancienne