L’excuse nombriliste


L'adjectif nombriliste désigne toute personne qui ne pense qu'à elle, qui se croit le nombril du monde, qui croit que la terre tourne autour d'elle, et ne s'intéresse à aucun autre sujet ou autre individu qu'à elle-même. Plus largement, nombriliste est le peuple qui ne s’intéresse au reste du monde, qui pense vivre dans une bulle et qui ne veut en sortir que quand il trouve un intérêt passager de s’intégrer dans la symphonie des nations. Tel est le peuple malgache qui se calfeutre depuis toujours dans son monde. Les excuses avancées sont multiples et finalement, ce n’est que pur retour des choses que nous soyons au rang du quatrième pays le plus pauvre de la planète. L’étude mise en avant par l’équipe de l’IRD s’interrogeant sur le « paradigme malgache »prend tout son sens. Madagascar, le seul pays sur cette planète qui s’écroule continuellement sous le poids de la pauvreté depuis soixante ans sans avoir connu la guerre. Les excuses avancées sont multiples, avons-nous dit : l’environnement, l’histoire, les colonisateurs, l’économie mondiale, la communauté internationale, Dieu et le démon, les ancêtres, etc. Mais d’une manière scientifique, tout cela a été balayé. Alors, il ne reste plus que la responsabilité de ce peuple à la conscience endormie. Un peuple qui pense avoir un nombril blanc ou jaune mais pas noir en tout cas. Certes, généraliser serait exagérer mais force est d’admettre que le malgache renie son lien protohistorique et génétique avec l’Afrique. L’Homme noir est perçu comme un esclave, un inculte, un sous développé. Alors que le monde est touché, s’insurge, parle de ce qui se passe en Lybie, la petite communauté facebookienne s’attarde sur la vie de couple de Dylain, les vacances d’un tel ou d’un tel à l’étranger. Ce qui se passe au Zimbabwe semble être à des années lumières, encore moins ce qui se trame en République Démocratique du Congo. À peine, quelques personnes parlent du crime contre l’humanité qui se passe pourtant à 5 949 km, 8 heures 29 minutes de vol. C’est encore loin, pourrait-on dire. Quelques-uns changent leurs photos de profil sur facebook pour soutenir l’indignation mondiale. Encore moins de gens expliquent ce qui se passe, personne n’appelle à l’action. Mais encore, les répliques et excuses nombrilistes fusent. Comme par miracle, monsieur et madame tout le monde se mettent à poser des questions sur ce qu’est devenu l’affaire d’Antsakabary, les droits des femmes envoyées au Liban, le droit de ces petites filles qui sont des esclaves modernes travaillant comme gens de maison, ces travailleurs des zones franches. Pour ne pas assumer la responsabilité qui incombe à tout être humain devant de telles horreurs on fait diversion sur des sujets qui n’ont pourtant pas mobilisé plus d’une poignée de malgaches. Si à la fin de cette semaine, des organisations de la société civile font un appel à la mobilisation pour une action afin de demander des comptes concernant le dossier Antsakabary, combien de personnes y aura-t-il ? Si dans deux semaines, une autre mobilisation demande à tous de dénoncer, même d’une manière anonyme, toutes les familles qui tiennent pour « otages » des petites filles qui travaillent comme « petites bonnes », combien de cas pourra-t-on recenser et pénaliser ? L’excuse nombriliste de l’humain inhumain aux responsabilités délaissées. Par Mbolatiana Raveloarimisa
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