La Garde indigène, une police de proximité


Les villes sont devenues « foyers d’occidentalisation », dont l’essor résulte de la mise en place d’une administration étendue à tout le territoire de la Grande ile et du développement des échanges. « Les villes et les bourgades doivent remplir des fonctions nouvelles, politiques, administratives et commerciales », lit-on dans l’Histoire de Madagascar en 1967. Les auteurs poursuivent que la construction du réseau des communications provoque souvent le déplacement des villages parce que la sécurité est publique. Ils citent l’exemple de la Garde indigène qui est « une force de police relevant de l’autorité du gouverneur général et placée, en ce qui concerne son emploi, sous les ordres des administrateurs chefs de province, en vue d’assurer la police intérieure dans la Colonie, le maintien de l’ordre, l’exécution des lois, les escortes, la garde des prisonniers et la police des voies de communication». Selon le règlement de 1908 sur la Garde indigène, sa principale force résulte de la bonne conduite des gardes appelés à en faire partie. Ils doivent « tempérer la rigueur de leurs fonctions par la douceur et l’honnêteté, mériter l’estime et la considération publiques, n’être redoutables que pour les malfaiteurs, n’inspirer d’effroi qu’aux ennemis de l’ordre. Enfin, ils doivent exercer une surveillance permanente sans qu’elle dégénère en tracasserie minutieuse ou en inquisition alarmante ». Toutefois, le défaut de fermeté encourage les fomenteurs de troubles qui doivent être saisis, jugés et punis. Le manque d’activité donne « aux malfaiteurs le temps et la possibilité de grossir leurs rangs en attirant tous les mauvais sujets ». Ils ont aussi à respecter un code moral, car l’ivrognerie, l’immoralité, la mauvaise tenue sont les défauts les plus propres à déconsidérer les gardes indigènes. Ils doivent, dans toutes les circonstances, rester calmes, sans faiblesse, braves et fermes sans violence. Et surtout, ils doivent se donner tout entier à leur état et se bien préparer à la noblesse du rôle qu’ils remplissent, en concourant à assurer la sécurité des personnes et des propriétés. Grâce à l’instauration de la Garde indigène, des « villages-rues», des « villages-carrefours » naissent et se développent avec la circulation de plus en plus importante. Les gares engendrent de nouvelles agglomérations, des marchés grossissent, d’autres se créent. « Cependant, l’urbanisation est modeste. » Ainsi en 1969, les citadins ne représentent pas 8% de la population, ce qui est néanmoins deux fois plus, en pourcentage, qu’en 1912. L’exemple le plus marquant de ce développement urbain est la prééminence d’Antananarivo. Capitale de Madagascar, siège du gouvernement général et des Écoles de formation de cadres et d’instituteurs, elle est le « cerveau de la Grande ile ». Sa population double entre les deux guerres, allant de 70 000 à 140 000 habitants. C’est le résultat de l’exode rural et surtout de l’annexion des communes voisines. À côté d’elle, les villes importantes telles Fianarantsoa, Toa­masina, Mahajanga, Antsiranana, Antsirabe et Toliara, se transforment en petites capitales provinciales, mais leur population ne dépasse guère 20 000 habitants en 1939. En outre, de nombreux petits centres mi-ruraux mi-urbains se dispersent à travers le pays, en particulier, le long des côtes. C’est là que résident les fonctionnaires subalternes, les commerçants moyens, quelques colons. Les auteurs de l’ouvrage d’histoire de 1967 précisent que c’est dans les villes que les valeurs de civilisation occidentale touchent le plus la population autochtone, plus exactement une minorité de citadins malgaches. Les Européens ne constituent même pas le dixième de ces populations urbaines et les statistiques montrent que l’exode rural est encore un phénomène peu important. Ces agglomérations urbaines sont également des centres commerciaux, foyers de l’élégance et de la mode qui contribuent beaucoup à répandre les produits de la civilisation occidentale. Elles sont aussi les foyers du christianisme, surtout sur les Hautes-terres où les bâtiments des Missions, édifices religieux, économiques, dispensaires et mêmes hôpitaux sont nombreux. Enfin, elles sont des foyers de développement culturel : la langue française est le support de l’enseignement qui donne une large place au calcul, à l’élocution, à la rédaction. Mais cette élite peu nombreuse, avide d’apprendre, « découvre avec l’humanisme, le sens de la liberté, l’existence des droits de l’homme, la notion de citoyenneté ».
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