Présidentielle - L’amiral Didier Ratsiraka joue le trouble-fête


On ne l’attendait pas. À 82 piges bien sonnées, l’amiral Didier Ignace Ratsiraka sera le vice-doyen des candidats à la présidentielle. Il ne compte pas faire de la figuration. Tremblent les autres, Ratsiraka arrive. On le chuchotait depuis quelques jours sans vraiment trop y croire. Puis à la dernière minute, les barons de l’Arema sont aperçus à Ambohidahy pour déposer la candidature de l’amiral Didier Ignace Ratsiraka à l’élection présidentielle du 7 novembre. L’ancien dictateur n’a pas fait l’école de guerre pour rien. Disqualifié pour avoir annoncé sa candidature trop tôt en 2013, il s’est bien gardé cette fois de claironner son intention sur tous les toits. Il a fait une première étape avant la publication de la liste définitive des candidats admissibles par la Haute Cour Constitu­tionnelle. Sa stratégie semble en tous cas bien élaborée et s’il s’aligne, ce n’est pas pour faire de la figuration. Loin s’en faut. Malgré son âge, malgré son passé peu glorieux à la tête du pays, Didier Ratsiraka reste un candidat redouté et redoutable. Son aura, sa qualité d’homme d’État, ses qualités intellectuelles le distinguent des au­tres candidats. Il reste qu’on le veuille ou non une sacrée référence pour beaucoup de personnes fascinées par sa prestance. L’electorat s’est beaucoup rajeuni. La majorité des électeurs n’ont pas vécu les années Ratsiraka pour l’admirer ou le haïr, c’est selon. Mais il reste un noyau important d’électeurs qui lui est inconditionnellement acquis. D’ailleurs, que ce soit en 1993 face à Albert Zafy, en 1997 face au même adversaire et en 2001 face à Ravalo­manana, le fondateur de l’Arema n’est jamais descendu en dessous de 30 %. En 2013, son neveu Roland Ratsiraka avait réalisé un score de 9% grâce en partie au nom qu’il porte, l’ami­ral doit pouvoir faire beaucoup mieux. Candidats gênés Quand on sait que sa disqualification a été une des raisons du taux élevé de l’abstention en 2013, on peut gager que ses partisans vont voter massivement cette fois. Certains candidats, qui se croyaient favoris, se sentent ainsi gênés par la candidature de Ratsiraka, parfait trouble-fête dans cette présidentielle. Il n’a pas besoin de campagne pour se faire connaître. Mais il est clair qu’il peut effacer d’un revers de la main les traces laissées par un candidat qui a rameuté la foule dans un endroit donné. Ratsiraka cristallise en outre le vote côtier. Cela fait maintenant seize ans que les côtiers ont quitté le pouvoir dominé par trois « ambaniandro » depuis 2002. L’amiral Ratsiraka n’a qu’à secouer ce fil sensible, cet amour propre qui l’avait animé lors des crises de 1991 et 2002 pour tenter de rester coûte que coûte au pouvoir. Et comme il reste de loin le meilleur candidat côtier de la liste, n’en déplaise aux autres prétendants, il ne serait pas surprenant qu’il passe au deuxième tour facilement. Face à Ratsiraka, les autres candidats n’ont pas assez d’arguments et éviteront certainement de débattre avec Deba. Il est par exemple incollable sur la question des îles éparses et ce n’est pas le pasteur Mailhol qui peut lui tenir tête. Il connaît également la coopération avec les bailleurs de fonds pour en avoir été le précurseur. Qu’on le veuille ou non, il faut prendre en compte cet aspect de l’élection dans la mesure où Antananarivo est le champion du vote ethnique. Reste à savoir quel programme l’amiral va proposer cette fois après la Répu­blique humaniste et écologiste de 1997 qu’il n’a jamais concrétisé pour séduire l’électorat jeune. Le problème du pays, comme il aime se qualifier, avait annoncé des solutions en trois points pour sauver le pays pendant la Transition ainsi que des financements en millions de dollars. Il va peut-être les relancer. Mais programme ou pas, potentiellement l’amiral Ratsiraka, n’est pas le pire candidat du lot composé en partie de saltimbanques. Pour le moment, Didier Ratsiraka attend le verdict de la HCC comme tous les autres candidats avant de se plier au verdict des urnes. Cette fois seul un motif peut le disqualifier. La limite d’âge. Mais comme on dit l’amour du pouvoir et l’amour ont ceci de commun qu’ils n’ont pas d’âge. Herisetra
Plus récente Plus ancienne