Le Fort de Majunga à travers les âges


Les côtes malgaches sont marquées par de nombreux forts militaires anciens. Ils sont installés pour la plupart sur la côte Est, afin de contrôler, voire de contrecarrer, l’influence française. Sur la côte Ouest, il n’en est pas de même, du moins à la création de ces Rova ou sites fortifiés. Ces derniers devaient surtout servir à contrôler les régions sakalava récemment soumises à la royauté merina et à préserver la sécurité des communications entre la côte et Antananarivo. Pendant le règne de Radama Ier, ces Rova ne sont, en fait, que de modestes postes fortifiés. D’après les chercheurs du Musée de l’Univer­sité de Madagascar et de l’Association malgache d’archéologie dans les années 1970, les fortifications sont édifiées selon les moyens naturels, dont le gouverneur et ses soldats disposent, à savoir de grosses pierres, palissades de bois, bambous et plantes épineuses. Ces postes fortifiés devaient prendre de l’importance par la suite. Les forts merina de l’Ouest ont à faire face, non seulement aux Sakalava, mais aussi à la menace française à partir de 1845. Nosy Be est alors une possession des Français et sert de base à leur tentative d’implantation en se fondant sur les « droits historiques » légués par des roitelets sakalava réfugiés à Nosy Be. Après les échecs essuyés sur la côte Est, notamment devant Farafaty en 1845, les Français accentuent leur pression sur la région de la baie d’Ampasindava et sur Anoro­tsangana. Par contrecoup, Mahajanga est aussi menacée. Le Rova de cette ville est compris dans le périmètre de la caserne de la garnison de Mahajanga. Selon les archéologues, dans les années 1970, l’accès le plus direct au Fort est interdit pour des raisons de sécurité militaire. Cet ancien accès emprunte la voie encore appelée « rue du Rova » en passant devant l’évêché catholique. Depuis, il est nécessaire de faire un détour par l’hôpital principal de Mahajanga. Créé en 1824 par Radama et gouverné au début par Ramanetaka, le Rova est l’objet de nombreuses descriptions, dont les auteurs sont passés à des époques différentes. « Ils nous permettent d’avoir une idée des transformations de la ville (…) Majunga est composée en fait de deux villes bien distinctes : la ville merina située sur la colline et la ville commerçante arabe. » D’après Guillain en 1845, « le Fort d’Antsahabingo n’était alors qu’un assemblage de cases faites de feuilles et de pailles, selon l’usage du pays ». Une seule maison de pierres est érigée au milieu de ces huttes, dont la construction est confiée aux Antalaotra. Elle est destinée au gouverneur. Le même auteur indique que plus tard, le gouverneur Ramanetaka fait remplacer la plupart des cases en paille par des maisons en planches avec couvertures de feuilles. La ville est entourée d’une palissade ayant une faille en beaucoup d’endroits. En 1859, la pointe Anorombato est plantée de manioc. D’après Samat, « en temps de guerre, les Hova seuls combattent, on retient dans ce Fort des soldats arabes sakalava de peur qu’une fois en rase campagne, ils ne viennent à passer à l’ennemi. Ou bien, si on juge à propos, quelquefois, de les faire marcher, on ne leur donne que la sagaie. Les Hova seuls ont des fusils… » À cette époque, la garnison ne compte pas plus de deux cents hommes. En 1869, Alfred Grandidier écrit : « Le Fort merina est entouré d’une triple enceinte suffisante pour le mettre à l’abri d’une attaque des Sakalava, mais sans valeur défensive réelle. » Description que complète l’officier autrichien Jedina. « À l’exception du palais du gouverneur Ramasy, bâti en pierres, les maisons sont construites en bois, mais toutes sont d’une élégance et d’une propreté extraordinaire… Les ouvrages fortifiés de la ville haute de Mahajanga ne sont pas très redoutables. » En 1883, lors de la première guerre franco-hova, la citadelle subira un violent incendie dans le Fort principal et dans les cases qui servent d’abri à la garnison. Les Français occupent le Fort, mais toujours sous la menace continuelle des Hova qui se replient à Ambohitrombikely. Sur la proposition du capitaine Brun de l’artillerie de marine, la défense de la ville est renforcée. « L’ouvrage ne fut néanmoins commencé qu’en 1885. Il se composait d’un petit camp avec palissade sur trois de ses faces, la quatrième face du côté de la ville étant formée par l’épais rempart en maçonnerie de l’ancienne redoute hova, quatre canonnières flanquaient les abords. Au centre du camp, un solide blockhaus en maçonnerie servait de réduit. » Mais n’étant pas englobé parmi les territoires cédés aux Français dans le vague traité de protectorat de 1885, Mahajanga est réoccupé par les Merina. « Les systèmes de défense n’offrent toujours pas de sécurité en cas de bombardement. Aujourd’hui, il ne reste plus que des vestiges du Fort principal, ceux d’Anorombato et d’Antsahabingo sont détruits par des travaux au XXe siècle et aucune trace ne subsiste. »
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