La traite pour obtenir des produits importés


Comme tous les peuples, les anciens Malgaches s'adonnent à une sorte de commerce très spécial, la Traite. Elle consiste à troquer des esclaves contre des marchandises apportées par les négociants qui commercent sur les côtes du pays. On se souvient qu'il existe un double courant: des esclaves importés d'Afrique, mais en nombre plus restreint, les Masombika ou Makoa, et ceux exportés. Jusque vers la fin du XVIIIe  siècle, la Traite ne touche que les régions côtières, seules en contact avec l'étranger. En outre, le pays merina, sans accès sur la mer, n'aurait pu y participer sans intermédiaires, malgaches ou européens. Mais il faudra attendre l’année 1777 pour qu'un Européen, le Français Nicholas Mayeur, pénètre en Imerina, et Antananarivo n'est atteinte qu'en 1808 par Hugon. D'ailleurs, les Merina ne doivent à cette époque disposer d'un grand nombre d'esclaves, puisque la grande source de ces « produits » est la guerre en territoire étranger. Or, avant 1787, les Merina divisés en plusieurs principautés ne se battent qu'entre eux, au hasard des caprices de leurs roitelets. Ce sont des luttes peu meurtrières par des armées peu nombreuses, ce qui ne laisse qu'un faible butin. « Il serait même plus juste de dire que ce sont les peuples voisins des Merina, les Sakalava, Manendy, Sihanaka et Bezanozano qui se livraient alors à de fructueuses razzias en pays merina; razzias d'où ils ramenaient, n'en doutons pas, de nombreux prisonniers » (Jean Valette, architecte-paléographe). Quand Andrianampoinimerina arrive sur le trône d'Ambohimanga, il commence par pacifier et réunir l'Imerina. Puis il se tourne vers le Sud. Après avoir conquis des régions quasi désertiques, il pénètre dans l'Ankaratra, puis Faratsiho, et se trouve alors en contact avec les Betsileo qu'il réduit en les combattant ou en traitant avec eux. Il s'agit là de luttes en pays ennemis, où les adversaires, tel Raomanalina, roi du Lalangina, opposent une résistance farouche. Ces guerres de conquête se poursuivent sous son fils et successeur, Radama Ier. Dès son avènement, il doit mater une révolte des Bezanozano d'Ambatomanga, puis mener une dure campagne contre Ambositra qui est complètement rasée. Toutes ces guerres amènent une abondance de butins, en particulier d'esclaves, dont l'écoulement pose aux Merina des problèmes inconnus jusqu'alors. C'est la raison essentielle qui incite Radama  à entreprendre la conquête de l'Est pour avoir accès à la mer. Cela se révèle nécessaire pour commercer librement et se passer des intermédiaires antalaotra et européens. « Cette notion dut s'imposer à l'esprit du roi merina dans les années 1814-1815 et, chose capitale, pour l'évolution de son peuple, elle se rencontra avec la politique malgache de Sir Robert Farquhar alors gouverneur de Maurice. » Avec le traité de Paris de 1814, le contentieux franco-britannique de l'océan Indien est réglé: la France récupère l'île Bourbon (La Réunion), l'Île de France, rebaptisée île Maurice, avec ses dépendances les Seychelles et Rodrigues, devient possession anglaise. Madagascar reste l'objet de convoitise des deux empires coloniaux. Farquhar comprend qu'il faut s'attacher le roi merina, dont la puissance est grandissante. Il envoie de nombreux émissaires dont le dernier, James Hastie, est chargé de sceller l'alliance anglo-merina en y incluant une clause de portée internationale (Traité de Vienne): l'abolition de la Traite en encourageant Radama à utiliser « ses sujets vaincus à d'autres activités plus rentables ». Pourtant, supprimer la Traite c'est supprimer l'indispensable monnaie d'échange contre les produits européens. Et comme Radama le fait remarquer à Hastie, il ne « lui est pas possible de faire travailler pour lui des esclaves qui étaient ses ennemis, d'où la nécessité de les vendre ». Enfin, tout cela rencontre une violente opposition des assemblées des anciens, car les Merina en général, en particulier eux, devront renoncer à des profits réels, et immédiats. « C'était aussi s'engager dans une sorte de révolution économique, dont on ne voyait guère les résultats. » D'où l'Équivalent en contrepartie, indemnités accordées à Radama, tant en argent qu'en armes et uniformes. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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