Des tours qui montent la garde vigilante sur la ville


«Visible de tous les points de l’horizon et découpant sur le ciel, la silhouette de ses divers bâtiments, le Palais de la Reine se découvre aux yeux du voyageur, bien avant que se distingue la masse confuse et rouge de Tananarive.» C’est par cette phrase qu’Urbain-Faurec, publiciste, introduit en 1952, son article axé sur le Rova d’Antananarivo et ses Palais. Vu de loin, le grand Palais se présente haut perché sur la plus haute des trois collines d’Antananarivo de jadis. Il domine la ville toute entière, «sa lourde masse grise et ses quatre tours carrées montent leur garde vigilante et immuable » sur les plaines, sur les rizières, sur les monts qui encerclent la région de l’Imerina. Des sentiers presque inaccessibles, des rampes abruptes y conduisent du bas de la nouvelle cité, à travers l’enchevêtrement confus de jardins en terrasses et de maisons disposées de guingois qui forment la ville ancienne. Le Palais de la Reine émerge alors de la verdure, se dressant majestueusement. Par-delà quelques marches, une sorte d’arc de triomphe- porte monumentale que l’étiquette ancienne veut que l’on franchisse du pied droit et chapeau bas- en commande seule l’entrée. Un aigle de bronze aux ailes déployées, emblème de la dynastie hova, la survole. Au début du XVIIe siècle, Andrianjaka, fils et successeur de Ralambo, et qui règne sur Alasora et sur Ambohidrabiby, entreprend la conquête d’Analamanga sur les Vazimba, ses premiers habitants. Victorieux, Andrianjaka fait aussitôt déboiser et dénuder le plateau et l’entoure de pieux. Puis il fait construire deux grandes cases dont les traces de l’une, Besakana, subsistent encore en 1952 et même dans les années soixante. Enfin, cédant déjà à l’impérieux devoir du culte des ancêtres qui marque cette race, il désigne l’emplacement des tombeaux « où, jusqu’à ces dernières années, étaient conservés ses restes et ceux de ses descendants».Le premier Rova d’Antananarivo est fondé. « C’est maintenant un ensemble de petits palais, de pavillons disparates, puisque chaque souverain semble avoir eu à cœur de laisser trace de son règne par une construction nouvelle. » Un mur d’enceinte, construit par Rana­valona Ire, lors de son avènement, écroulé par endroits et à d’autres, encore surmonté des énormes pieux de la défense, entoure encore, en 1952, le Rova entier. «La grande cour d’honneur, jadis toute plantée d’arbres et ornée de parterres, est aujourd’hui vide et nue. Et seul le côté Ouest, qui surplombe la ville, est longé d’une belle allée de ficus au feuillage toujours verdoyant.» À gauche, deux pagodons de bois, peinturlurés de rose et de vert et surélevés sur un large socle de maçonnerie, dominent la cour: ce sont les tombeaux des Rois et des Reines qui ont assuré la dynastie merina. L’un de ces tombeaux, «d’architecture fantaisiste, mi-hindoue, mi-chinoise», protège l’entrée du caveau où sont ensevelis Andrianam­poinimerina, Radama Ier et Radama II. Le deuxième, de style plus nettement malgache et rappelant les cases primitives, abrite la tombe de Ranavalona Ire, de Rasoherina, de Ranavalona II et de Ranavalona III. «Les restes de ces souverains furent déposés dans le Rova de Tananarive, le 15 mars 1897, sur les ordres du général Gallieni qui les fit transférer en grande pompe des tombeaux d’Ambohimanga, la ville sainte, berceau de la dynastie et Saint-Denis malgache des souverains défunts, située à vingt kilomètres de la capitale.» Toutefois, les restes mortels de Radama II sont ramenés d’Ilafy. Tout à côté de ces pagodons, dans le calme d’un jardin fleuri, s’alignent, surmontés de modestes pavillons de bois, sept tombeaux contenant les restes d’Andrianjaka et de ses descendants. Ces monuments funéraires, construits par Andrianjaka, se trouvent avant l’occupation française, plus rapprochés du centre du Rova. Au fond de la cour d’honneur, se dresse la monumentale construction du Grand Palais. « Son nom de Manjakamiadana- qui règne dans la tranquillité- semble d’une bien cruelle ironie. Si de vastes salles décorées y évoquent encore les moments heureux qu’y vécurent des reines, quelques lézardes dans sa façade, blessures d’obus, rappellent la chute de la dynastie.» L’édifice est construit par Jean Laborde en 1839, pour Ranavalona Ire, sur l’emplacement exact de la première habitation d’Andrianam­poinimerina dans ce Rova, appelée Felatanambola- les paumes de mains d’argent- en raison d’une main d’argent sculptée qui orne alors le toit. L’ouvrage de Jean Laborde est une énorme case de bois, de plus de quarante mètres de hauteur, construite autour d’un pilier central, arbre géant rapporté des forêts de l’Est «par une armée d’esclaves et qui, dit la légende, coûta la vie à deux mille d’entre eux». La construction primitive est entourée de vérandas que soutiennent de hautes colonnes de bois, qui lui donnent un aspect léger qu’on ne lui retrouve plus que sur de vieilles gravures de l’époque. Depuis, un lourd revêtement de pierres remplace les légères colonnades et les vérandas ajourées. « Cet entourage de grosse maçonnerie fut exécuté sous Ranavalona II, en 1869, par l’architecte anglais Cameron. » Sans doute est-il imposé par la nécessité de consolider l’édifice de bois, mais probablement aussi par « l’orgueil et le goût du faste de la Reine. »
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