Les journalistes autonomistes subissent la répression


Mai 1949. Le ministre de la France d’Outre-mer, Coste Floret, visite la Grande ile. Un rapport officiel apporte à l’occasion quelques explications sur la répression subie par certains organes de presse, depuis l’insurrection de 1947 (lire précédentes Notes). « Les mesures d’ordre ont été prises pour cette manifestation et la suspension des journaux les plus violents a rassuré les inquiétudes qu’avait fait naitre, pendant ces dernières semaines, l’audience des feuilles nationalistes et communistes.» Il est ici question du Gazetin’ny Malagasy et du journal de l’équipe des communisants, précise Lucile Rabearimanana. Le rapport poursuit : « L’arrestation préventive du docteur Maurice Andriamampianina et d’Arsène Ramahazomanana a surpris et n’a pu que confirmer les leaders nationalistes dans l’attitude de prudente expectative qu’ils avaient adoptée. » D’une manière générale, les journalistes souffrent d’une sévère répression qui ne se relâche qu’après 1955, lorsque l’atmosphère politique se détend. L’historienne rappelle que les arrestations sont fréquentes, ainsi que les poursuites, toujours pour le même motif : diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public. « C’est ce qui arrive, par exemple, à Arsène Ramahazomanana lorsqu’en 1951 et en 1952, il expose les conditions de détention des prisonniers politiques MDRM d’Ankazondrano à Fianarantsoa. » Ces journalistes autonomistes, ajoute Lucile Rabearimanana, peuvent aussi être arrêtés pour reproduction d’articles parus dans des périodiques métropolitains. Certains parmi ces derniers qui peuvent circuler sans problème en France, sont prohibés à Madagascar. « C’est le cas de la Défense, de France Nouvelle, de certains numéros du Monde . » En outre, entre le 10 octobre et la fin de novembre 1948, par exemple, « la mise en circulation de six tracts nationaux a été interdite par arrêté du haut commissaire ». Les journaux risquent enfin d’être saisis, « même si la censure sévit déjà ». S’ajoutant aux arrestations et emprisonnements des rédacteurs, cela ne peut qu’aggraver les difficultés financières. Celles-ci ne seront surmontées que grâce à l’apport du journaliste lui-même sur ses biens personnels. Ainsi, les journalistes autonomistes forment un groupe social particulièrement hardi, qui brave la sévère répression sévissant à l’époque, constate l’historienne qui ajoute : « Ce qui fait qu’il est pourchassé par l’Administration coloniale et mal vu par les confrères favorables à la colonisation et à la présence française. » Elle cite notamment Ny Firaisana, un journal qui parait de 1847 à 1951 et qui appartient à Pascal Velonjara secondé par Robert Ramamonji­soa. Cet organe ne reconnait guère en eux les porte-parole du peuple malgache et pense qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. L’Administration, pour sa part, suit de près les activités et les commentaires des journalistes « qui sont périodique­ment établis des rapports et qui sont toujours surveillés par des agents de la Sûreté générale ». Face à ces adversaires, les journalistes autonomistes présentent un front commun. Chaque fois que l’un d’eux est arrêté ou poursuivi en justice, ou qu’un journal de la tendance est saisi ou suspendu, « c’est le groupe tout entier qui proteste et qui, en chœur, juge illégale ou injustifiée l’arrestation du journaliste ou la saisie d’un numéro de journal ». Il réclame ainsi la libération du confrère. Cette solidarité se manifeste aussi par l’entraide matérielle qui fonctionne en faveur du membre arrêté et de sa famille. Il existe également un syndicat de la presse malgache, dont Gabriel Razafintsalama du Fandrosoam-baovao est le président de 1952 à 1958, et tous y sont affilés. Lucile Rabearimanana précise toutefois que l’organisation est contrôlée par les journalistes les plus modérés. « En fin de compte, ses interventions en faveur de ses membres sont peu nombreuses et peu efficaces. Finalement, les liens unissant les journalistes autonomistes sont surtout basés sur des affinités personnelles réciproques et ne se matérialisent sous forme de structure, d’organisation que de manière occasionnelle. » Des tentatives de rapprochements plus importantes se remarquent pendant les périodes électorales, l’objectif étant de faire élire les conseillers municipaux favorables aux intérêts de la majorité des Tananariviens. Cela n’aboutit pourtant pas à une unité d’action satisfaisante. Lors des campagnes législatives en 1951, les appels à l’union abondent également en insistant sur les deux blocs qui se mesurent : celui des colonialistes et celui des partisans de l’indépendance. Mais finalement, ils mènent la bataille électorale séparément! Texte : Pela Ravalitera - Photo : Mission norvégienne
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