Deux grands obstacles au développement


«Les deux plus grands obstacles historiques au progrès économiques de Madagascar, ont été probablement l’absence d’un système de transport et de communication, d’une part, l’insuffisance de la main-d’œuvre, d’autre part. » C’est par cette phrase que débute l’étude réalisée par Gwyn Campbell (Revue historique Omaly sy Anio, N°16). Les deux problèmes sont intimement liés parce que, dans toute l’histoire de l’ile, le transport des biens et des personnes repose presque exclusivement sur la force humaine. « L’utilisation des animaux et d’un matériel de transport resta négligeable jusqu’à la conquête française, en 1895. » La dépendance à l’égard du portage humain augmente plus qu’elle ne diminue, dans la royauté merina du XIXe siècle, « en dépit du but déclaré par le pouvoir merina de moderniser l’économie de l’ile ». Cela pose un sérieux problème, car le portage mobilise beaucoup de bras dans un pays où l’économie, fondée sur une riziculture intensive, est sans cesse menacée par la pénurie de main-d’œuvre. « La traditionnelle interdiction d’utiliser le omby (zébu, bœuf), considéré par les Malgaches comme une bête sacrée, a été en grande partie abandonnée avant les premières décennies du XIXe siècle. » Pourtant, à l’époque, on travaille déjà le cuir et on exporte une quantité assez considérable de bœufs et de viande salée, mais le recours aux bœufs pour le transport reste très limité. L’auteure de l’étude y trouve « deux raisons, liées à la structure impériale merina du XIXe siècle ». La première vient de la crainte éprouvée par l’ensemble des officiers merina d’une pénétration militaire imminente et d’une conquête par les puissances européennes qui s’intéressent à la Grande ile. Sous les règnes d’Andrianampoinimerina et de Radama Ier, les Merina se montrent favorables à des innovations dans le domaine des transports. Le fils, en particulier, est convaincu par le premier gouverneur de Maurice, Robert Farquhar. En 1823, Radama inaugure un plan pour améliorer les communications. Il confie à Philibert et au prince Ratefy, deux notables du royaume, le soin de diriger une équipe de huit cents hommes chargés de creuser des canaux devant relier les lagunes de la côte Est (les futurs Pangalana). De son côté, Robert Farquhar rapporte que, dans la nouvelle colonie merina de Maha­velona (Foulpointe), les colons introduisent d’autres méthodes de culture et de portage. Cependant, sur le plan politique, les forces conservatrices redoutent cette communauté agressive de Créoles de la côte Est qui représente une vraie menace étrangère. Radama Ier est contraint par ces forces conservatrices de reconsidérer l’opportunité des plans d’amélioration qui faciliteront nécessairement une pénétration militaire. Ce que semble confirmer le bombardement naval français de 1929. Gwyn Campbell précise que la Cour d’Antananarivo interprète cette attaque comme une manifestation de la frustration éprouvée par les Français, devant l’interdiction de la traite des esclaves. Au début de son règne, Ranavalona Ire se propose d’essayer d’apaiser les Français en leur proposant des esclaves à un cinquième du prix normal. En 1829 et jusqu’à la colonisation française, la politique de défense du pouvoir merina se fonde sur cette amélioration du système de transport et des communications. Les dirigeants ont confiance aux barrières naturelles de la forêt-hazo et de la fièvre-tazo ou paludisme, afin de faire échouer toute tentative d’invasion étrangère. « Cette stratégie se révéla particulièrement efficace pendant le XIXe siècle»: la fièvre détruit une bonne partie du corps expéditionnaire français en 1895, alors que l’armée merina n’oppose pas une grande résistance. Mais l’absence d’amélioration des routes a des conséquences sur le plan économique et l’état déplorable des routes limite la circulation. Aussi bien sur la plus grande route commerciale de l’Est (Antananarivo-Toamasina) que dans les autres régions de l’ile, l’état des routes est encore pire à tel point que les missionnaires et les commerçants qui habitent la côte Ouest, envisagent plutôt de passer leurs vacances au Cap de Bonne-Espérance ou aux Seychelles qu’à Antananarivo. Le trajet est à la fois plus rapide et moins coûteux. Hormis le bref intermède du règne de Radama II (1861-1863) au cours duquel on construit deux ponts en pierre sur l’Ikopa, la politique du gouvernement merina dans le domaine des communications, reste la même pendant tout le XIXe siècle. « Dans les années 1820, on employait des charrettes à roues dans les plantations des Créoles et des Européens de la côte Est. Mais ce n’est qu’à partir de la dernière décennie du XIXe siècle que les Malgaches commencèrent à utiliser largement la roue. »
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