La possibilité d’un rêve


Madagascar avait été sacré champion du monde de Pétanque, le 4 décembre 2016. Pas plus que le précédent titre de 1999, cette deuxième couronne mondiale n’aura soulevé la même passion que la qualification du onze national à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Difficile pour la pétanque de rivaliser d’audience avec le football. Après des dizaines d’années d’élimination systématique, voilà donc enfin le football malgache qui devient un sujet de fierté pour les insulaires. Alors, certes, cette qualification aura été grandement facilitée par l’extension à 24 des équipes qualifiées pour la phase finale, depuis cette décision du Comité exécutif de la Confédération africaine de football, du 20 juillet 2017. D’accord, Joseph-Antoine Bell, ancien international camerounais et double champion d’Afrique avec son pays, avait exprimé des critiques que, ma foi, je partage : «En qualifiant huit équipes de plus, on fait plaisir à certaines fédérations. On amuse la galerie, mais on ne tire pas la compétition vers le haut» (Jeune Afrique, 26 juillet 2017). Sans oublier que je verrais bien volontiers dans le Canal de Mozambique «la possibilité d’une île». Mais, le quotidien des Malgaches est tellement morose, entre perte du pouvoir d’achat, perte du sens civique, perte de confiance, qu’on n’a pas peut-être pas le droit de leur enlever la joie de cette qualification. De temps en temps, on pourrait également faire l’effort de ne pas minimiser les choses positives tandis qu’on zoome régulièrement sur les mille et un trafics de bois de rose, de pierres précieuses ou d’espèces endémiques ; qu’on rit jaune du scandale des vrais faux permis biométriques ; ou qu’on reste sceptique face au spectacle d’une campagne présidentielle réduite à un concours de décibels. Personne ne voudrait que ses enfants gardent de leur pays cette image péjorative. Oui, quelque part, il y a des Malgaches qui réussissent et qui donnent par leur exemple la possibilité d’encore s’extasier de quelque chose à Madagascar. Pour une fois que quelque chose peut rassembler, dans l’allégresse, les Malgaches autant rendre concret ce possible. Alors, bravo, à ces joueurs qui évoluent ici au pays, ou dans d’autres championnats (France, Algérie, Belgique, Égypte, La Réunion, Arabie saoudite, Thaïlande, Bulgarie). La pelouse de Mahamasina est un tel champ de patates que, pour ces joueurs malgaches, s’entraîner à jouer sur du billard restera longtemps un voeu pieux. La phase finale au Cameroun ne sera pas non plus une partie de plaisir, mais d’ici là, chacun des 24 pays qualifiés peut encore s’imaginer remportant le titre. Merci donc pour cette possibilité d’un rêve.
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