Allison Charrette - Traductrice - «Madagascar peut se faire connaître avec sa littérature»


Passionnée de littérature, Allison Charrette évoque son travail de traduction des œuvres littéraires malgaches dans la langue de Shakespeare. Un travail de longue haleine qui la captive. Pourquoi cet intérêt de traduire la littérature malgache en anglais ? J'ai eu cette initiative, il y a quatre ans, quand j'ai découvert qu'aucun roman malgache n'a été traduit en anglais et en tant que traductrice j'en ai été surprise, vu cette richesse de la littérature malgache. J'ai alors décidé de faire quelque chose pour pouvoir exposer cette littérature dans les pays anglophones. À l'époque, je faisais un master dans la traduction littéraire à l’université de Rochester dans l'État de New York, où j'ai suivi un cours de littérature francophone. Là où j'ai demandé aux professeurs ce qu'ils pensaient de la littérature malgache et ils n'en savaient presque rien. J'ai alors décidé de venir à Madagascar pour rencontrer les auteurs malgaches, dont Michèle Rakotoson, Johary Ravaloson, Ralambo, ainsi que des membres de l'Union professionnelle des écrivains malgaches (UPEM). Malheureusement, je ne parle pas assez malgache pour pouvoir traduire directement leurs œuvres, alors j'ai commencée avec celles qui ont déjà été traduites en français. J'ai pris tous mes contacts et après je me suis lancée dans ce travail. Depuis, j'ai pu traduire et publié un roman malgache, qui s'intitule « Au-delà des rizières » ou « Beyond the rice fields» en anglais de Naivoharisoa Patrick Ramamonjisoa aux États-unis. Vous ne traduisez donc que des romans? Je fais aussi la traduction de beaucoup de nouvelles, mais je m'attarde surtout sur les extraits de roman et de fiction, que je publie aussi dans des revues et des magazines américains. Par contre, je n'ai pas fais de poésie malgache, car ça existe déjà dans les pays anglophones, comme les œuvres de JJ Rabearivelo par exemple. Là, je vais bientôt signer pour la traduction d'un roman de Johary Ravaloson et après la raison pour laquelle je pouvais venir ici, j'ai reçu une subvention d'une partie culturelle du gouvernement américain pour traduire « Lalana » de Michèle Rakotoson. Un roman qu'elle va, d'ailleurs rééditer l'année prochaine. Je pense garder le titre en malgache pour celui-là. En outre, j'ai déjà une liste de livres à faire également, mais ça dépend des maisons d'édition aux États-unis et en Angleterre avec qui je peux collaborer localement. Ceci-dit, j'ai déjà quelques idées dont un travail de traduction d'un roman de l'auteur Jean Luc Raharimanana, mais aussi deux romans de Charlotte Rafenomanjato qui m'intéresse beaucoup. Quid de la nouvelle génération d'auteurs malgaches ? Le projet évolue aussi avec mon séjour actuel à Mada-gascar, car j'ai pu aussi découvrir l'émergence d'une nouvelle génération talentueuse. Je les rencontre et je veux travailler avec eux sur leurs romans, leurs nouvelles qui viennent de paraître ou pas encore édités. La dernière phase de ce projet, c'est qu'on peut aussi inciter d'autres traducteurs aux États-unis et en Angleterre à travailler sur la littérature malgache, parce que je ne pourrais pas sûrement tout faire. Du coup, j'ai lancé un appel sur internet où j'expose quelques nouvelles pour donner un aperçu aux traducteurs anglophones en quête de nouveautés. Ce sera pour nous d'accentuer la visibilité des traducteurs anglophones, mais aussi les jeunes auteurs malgaches. Comment est-ce que vous procédez ? Le processus de traduction passe surtout par la relecture et ensuite la réécriture. On retravaille toujours les textes après. Comme outils, j'ai un ordinateur, mais aussi le texte original et le dictionnaire qui est évidemment primordial. Là, j'entame déjà le premier brouillon de « Lalana» de Michèle Rakotoson, par exemple, je travaille sur les notes, les significations des mots qui, dans la littérature malgache sont très imagées, mais aussi les métaphores, les rythmes de chaque phrase, voire les intonations. En fait, c'est pour ça que je suis ici pour pouvoir être plus facilement en contact avec les auteurs et les écrivains, car il faut aussi que je puisse m'imprégner de leur culture, de leur univers et de leur quotidien. C'est important pour la traduction de faire cette immersion dans le pays dont on traduit la littérature. J'échange beaucoup avec les auteurs une fois ici à Madagascar donc, c'est nécessaire et ça facilite la traduction, vu que chaque livre et chaque auteur ont leur propre personnalité. À quel genre de difficultés faites vous souvent face ? Les difficultés, ce n’est pas que les mots, mais les images, les rythmes, les façons de dire, d'écrire et de lire. Madagascar a une culture assez éloignée des États-unis et de la France que je connais, du coup, il est difficile de pouvoir transmettre et traduire aussi cette particularité et cette étrangeté de la culture malgache auprès des lecteurs anglophones. La principale difficulté, c'est donc de pouvoir trouver le juste équilibre entre la traduction littéraire et cette représentation de la culture malgache. Que sait-on de la littérature malgache aux États-unis ? Avant le mois d'octobre dernier, on ne connaissait rien de la Grande île aux États-unis. On connaissait Madagascar à travers le dessin animé et pour ses lémuriens aussi. Ceci-étant, culturellement, on n'en connaissait rien. Ce n'est qu'après « Beyond the rice fields », de Naivoharisoa Patrick Ramamonjisoa, que beaucoup de lecteurs anglophones m'ont écrit pour partager avec moi leur impression sur Madagascar. Ce pays qu'ils ont alors redécouvert à travers ces romans. J'en suis ravi, car désormais on peut mettre en avant une nouvelle facette de Madagascar à travers sa littérature, au-delà du fait que c'est juste un pays pauvre en développement. Parlez-nous de votre rencontre avec Michèle Rakotoson. Michèle et moi, c'était il y a quatre ans aussi. En arrivant à Madagascar je n'ai connu personne, j'ai alors envoyé des mails à tous ceux dont j'avais les adresses. En quête d'auteurs pour mon projet, j'ai alors lancé un appel auprès des auteurs malgaches et puis, un jour, dans le taxi-be, Michèle m'a appelée au téléphone et depuis on collabore ensemble. Biographie Allison M. Charette est traductrice littéraire du français vers l’anglais et a reçu son Master’s à l’université de Rochester dans l’État de New York. Dès 2014, elle s'intéresse notamment à la littérature de Madagascar, le premier roman de ce pays qu’elle a traduit en anglais est « Beyond the rice fields » (“Au-delà des rizières”) de Naivoharisoa Patrick Ramamonjisoa. Elle a fondé une association aux États-unis pour les traducteurs débutants et a aussi travaillé en tant que responsable de programme chez les directeurs de l’association des traducteurs littéraires américains (ALTA). Son travail a gagné plusieurs prix, bourses, et subventions aux États-Unis. Allison va bientot traduire en anglais le roman de Michèle Rakotoson, «Lalana.» Son site internet est : charettetranslations.com.  
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