Une malédiction toujours supportée par les générations


Au Nord-Ouest d'Ambatomanga, se trouve une localité appelée Ankorosy. C'est là que vivent les Androrosy, peuple aisé mais qui se distingue par son habitude, ou plutôt sa coutume de mendier. La tradition raconte que cette coutume leur vient des temps fort lointains. Tout près de l'actuel Ankorosy, dit-on, vivent les Zanadramazava, descendants de Ramazava. Parmi eux, réside un homme qui a deux fils dont les caractères dominants sont le vol pour l'un, la mendicité pour l'autre. Le premier, poursuit-on, vole tant et si bien qu'au bout d'un certain temps, il amasse une grande fortune. Mais poussé par l'habitude, il ne s'en satisfait pas et poursuit ses méfaits jusqu'au moment où il est pris sur le fait et condamné à mort. Aussi le seigneur du fief réunit-il tous les membres de sa famille pour leur annoncer ce verdict et leur donner un conseil quelque peu bizarre. « Il vaut mieux mendier que voler. Car celui qui mendie vit, et celui qui vole meurt. Le roi hait les voleurs qui spolient ses sujets, tandis qu'il aime celui qui mendie auprès de lui car il est plein de compassion. » Le père des deux hommes, après avoir montré sa compréhension à l'énoncé de la décision seigneuriale, s'adresse, dit-on, à sa famille en ces termes: « Prenez garde. Par les vols qu'il a commis, il nous a enrichis alors que l’autre perd la vie. Aussi, quiconque dans ma famille et de ma descendance pense à ne pas mendier mais à voler, il ne pourra jamais s'enrichir et trimera vainement jusqu'à sa mort. » C'est à cause de cette malédiction, explique-t-on, que les Androrosy doivent mendier. Jusqu'à la fin des temps, précisent ceux qui connaissent plus que les autres leur coutume. Mais ils ne le font pas tous les jours. Cette coutume se pratique périodiquement, plus précisément trois fois dans l'année: à la récolte du riz précoce, à celle du riz de saison et au moment de la fête du Bain royal. Les hommes et les jeunes gens vigoureux ne mendient pas puisque évidemment, personne ne veut les prendre en pitié. Au contraire, on les pousse par des insultes voire par des coups, à travailler. Leur rôle consiste ainsi à garder et à vendre tous les objets et marchandises divers obtenus par les femmes, les vieillards et les enfants dans leur tournée de mendicité. Toutefois, les enfants ne peuvent pas accompagner les adultes tant qu'ils ne savent pas le faire en chantant. Chansons dont les paroles et l'arrangement sont bien étudiés. Ayant pour but de provoquer la générosité d'autrui, elles doivent susciter la pitié, la mansuétude, la compréhension de tous avant de se poursuivre par des souhaits de bonheur pour leurs familles et de longue vie. Ce n'est qu'à la fin qu'elles abordent le vif du sujet, mendier. Et elles se concluent toujours par des remerciements, qu'ils obtiennent ou non un don. Les Androrosy ne restent pas en un seul endroit, mais passent d'une maison à l'autre, se déplacent d'un marché à l'autre. Et c'est dans ces mêmes marchés qu'ils revendent les dons entassés durant leurs sorties, trop lourds à porter pour être ramenés à la maison. C'est ainsi et non en volant que les Androrosy s'enrichissent, amassant beaucoup de biens, se procurant des esclaves, des bœufs, se construisant de magnifiques habitations. Mais malgré cette situation confortable, ils ne peuvent s'arrêter de mendier à cause de la malédiction ancestrale. Sinon, ils perdent tout et devront travailler dur jusqu'à la mort. Pour cacher leur état aisé, durant leurs sorties périodiques ils se vêtent de lamba sales, prennent l'attitude de miséreux, affichent de la lassitude et de la tristesse sur leur visage. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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