Vindictes populaires - La CNIDH sort de ses gonds


La Commission nationale indépendante des droits de l'Homme (CNIDH) sort de ses gonds et s'insurge contre les vindictes populaires et en appelle à des mesures d'urgence. Préoccu­pante, effrayante. C'est ainsi que la Commis­sion nationale indépendante des droits de l'Homme (CNIDH) juge la prolifération des vindictes populaires dans le pays. Dans un communiqué publié hier, l'organe indépendant rapporte les résolutions d'une réunion tenue cette semaine, pour faire le point sur ce fléau délétère qui secoue la société depuis plusieurs semaines. Présentant un bilan d'une dizaine de cas recensés ayant fait quarante six morts en deux mois, la CNIDH affirme qu'« elle ne peut pas se taire face à la recrudescence des vindictes populaires, qui prennent une allure préoccupante. (…) le phénomène connaît une ampleur effrayante (…) ». Dans sa missive d'hier, cette commission n'y est pas allée par le dos de la cuillère, et met en avant « les facteurs qui expliquent » ces lynchages publics, en usant de termes cash et sans détour. « La culture de l'impunité favorisée et protégée par la corruption, les interventions de hauts responsables civils et militaires, le corporatisme, le régionalisme et le tribalisme, la solidarité politique » sont les facteurs cités en première ligne dans la missive d'hier. S'ensuivent « les représailles, intimidations, le terrorisme politique et juridique. La perte de confiance de la population envers les institutions étatiques, et particulièrement la justice et les forces de l'ordre. Les « Dina » non homologués qui permettent la mise à mort des présumés coupables ».  Le communiqué de la CNIDH rappelle également des dispositions internationales relatives aux droits humains, et bétonnées par la Constitution. « Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tout individu est assuré de l'inviolabilité de sa personne », souligne la loi fondamentale. Exigence ferme Dans ce sens, la Com­mission des droits de l'Homme affirme, logiquement, condamner les multiples cas de vindictes populaires perpétrés dans le pays. Appelant spécialement une prise de responsabilité des autorités étatiques, la CNIDH requiert une amélioration de la bonne gouvernance, « notamment, par une lutte efficace contre les pratiques corruptives », et un renforcement de l'État de droit. L'organe indépendant appelle ainsi l'État à prendre « des sanctions exemplaires à l’encontre des agents de l’État corrompus », et « exige fermement le renforcement de la lutte contre la corruption ». Un appel aux autorités compétentes « à prendre des mesures d'urgence pour stopper ces pratiques », est aussi lancé par la Commission des droits de l'Homme. Elle demande, notamment, au ministère de la Justice « d'associer la CNIDH à l'homologation des « Dina » ». Parmi ces entités compétentes pourraient figurer l'Assemblée nationale. Un député plaide, pourtant, ouvertement en faveur du lynchage public. Son immunité parlementaire pourrait toutefois compliquer les sanctions. Pour l'organe indépendant, les vindictes populaires ne sont pas justifiées par « la légitime défense ». Contacté mardi, le membre de la Chambre basse soutient pourtant : « Nous ne faisons que nous défendre. C'est de la légitime défense. Au moins, cela dissuadera les « dahalo », étant donné que les responsables étatiques ne font rien pour nous aider. (…) Les « dahalo » nous attaquent avec des kalachnikov, brûlent nos maisons, tuent nos familles, volent nos biens et nos bovidés, mais personne ne dit rien. Alors que lorsque nous nous défendons et répliquons, là nous sommes accusés d'atteinte à l'État de droit et aux droits de l'Homme ». En insistant sur la lutte contre la corruption, la CNIDH appuie sur un point important pouvant figurer dans les mesures d'urgence qu'elle suggère aux autorités étatiques. Rétablir l'autorité de l'État, non pas uni­quement par la force régalienne, mais surtout en redressant ses défaillances pourrait aussi être une voie incontournable. Garry Fabrice Ranaivoson
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