L’avortement ne vous va-t-il pas mon père ?


Dans les locaux de la Banque Mondiale Anosy, mercredi dernier, s’est tenue une discussion sur les réformes de l’enseignement de base à Madagascar. Une rencontre fort intéressante sur un sujet qui, très visiblement, intéresse pas mal de monde. Pour preuve, la salle était plus que comble. « Quelle éducation fondamentale réservons-nous à nos enfants»? Un thème sur lequel nous allons longuement revenir dans nos prochains papiers. Mais pour l’heure, on ne peut se taire face aux propos d’un des panélistes. En plus qu’ils étaient totalement hors contexte, ils étaient tout aussi déplacés. Ce prêtre nous a fait le sermon sur l’avortement. Que l’Église catholique ne tolèrerait aucunement sous quelque forme que ce soit que le sujet de l’avortement soit sujet de loi. Alors, tout est dit ? L’Église catholique serait-elle la principale instigatrice de « l’avortement » de la loi qui devait enfin réglementer les avortements clandestins qui tuent tant de femmes et de filles dans notre pays ? Est-ce donc l’Église catholique qui a fait que maintenant, plus que jamais, l’interruption thérapeutique de la grossesse est passible de peines pénales ? À en croire la réaction de la salle, ce n’était ni le lieu, ni le moment pour en parler mais cet invité s’est invité sur un sujet qui fait polémique. Bien heureusement, une des participantes dans la salle a eu assez de temps pour exprimer son désaccord et pour parler des cas de viol, de grossesse à risque. Le prêtre a répondu avec les théories de Freud et l’on ne sait quel autre philosophe. Comme attendu, il met également sur le tapis et très ouvertement que l’avortement est un « luxe » et une « futilité » occidentale tournés vers la seule recherche de l’autosatisfaction. Jusqu’à preuve du contraire, Madagascar est une République démocratique et laïque et non une République chrétienne et encore moins catholique. La démocratie est garante de la liberté de chacun, dont la liberté de foi et de religion. La laïcité est, quant à elle, la base d’une Nation et un peuple libre et divers. Il est impensable et inacceptable que n’importe quelle religion ou dogme impose sa pensée unique à tous les autres alors qu’il ou elle n’est même pas majoritaire. Et même si, majoritaire dans un pays, il est du devoir de la République démocratique de veiller à ce que tous soient libres. L’avortement ne vous plaît-il pas mon père ? Ne vous faites pas avorter !...Ah c’est vrai, vous êtes un homme. L’avortement ne vous plaît-il pas mon père ? Ne faites pas avorter votre femme !...Ah c’est vrai, vous n’êtes pas marié. L’avortement ne vous plaît-il pas mon père ? Ne faites pas avorter votre fille ! Ah c’est vrai, vous n’avez pas d’enfant. Nous respectons la diversité de foi des uns et des autres. Quand religion, dogme viennent imposer à tous leurs règles, cela n’est autre que de l’extrémisme. Les imposer en faisant des sous-entendus de pénaliser telle ou telle bonne marche de la société, c’est du terrorisme. La femme, d’ici ou d’ailleurs, a depuis toujours avorté et avortera. Une fois de plus, aucun de nous ne peut se mettre à la place de celle qui fait face à ce choix si difficile mais qu’elle doit pourtant prendre. Il revient aux femmes de prendre des décisions sur son corps. À nous des les éduquer, les éclairer et les accompagner pour faire le bon choix. Pour rappel, il n’y a pas à Madagascar et peut-être partout ailleurs dans le monde des lois qui interdisent aux hommes de faire ceci ou cela avec leur corps. Alors, pourquoi veut-on embrigader les femmes dans des normes qui ne répondent ni à la réalité ni à la nature ? par Mbolatiana Raveloarimisa
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