Des mots venus d'ailleurs


La langue malgache s’enrichit beaucoup avec des emprunts, bien qu'on ne sache ni les raisons qui le motivent ni celles de la grande diffusion de certains mots à l'intérieur de l'ile. En tout cas, il est certain que tous les peuples navigateurs qui ont eu des contacts avec Madagascar, ont laissé dans sa langue- ou dans ses dialectes- des traces de leur passage. Même si on ne sait en quelle région l'emprunt s'est fait- « c'est le cas des noms d'animaux domestiques d'origine bantoue »- ni par quelles voies il s'est répandu. Parfois cependant, on peut situer et dater l'emprunt. C'est le cas d'un certain nombre de mots d'origine anglaise ou française qui, introduits dans le vocabulaire merina au XIXe siècle, sont ensuite diffusés à partir d'Antananarivo dans les différentes régions de l'île. Il s'agit là d'emprunts de grande diffusion. Certains sont restés localisés à certaines régions. Ainsi J. Dez décèle un emprunt au swahili « mutu » dans le mot « motro », usité dans le dialecte sakalava du Nord-ouest (Boeny) pour désigner le feu (« afo » en merina). Mais les emprunts à cette langue se retrouvent plus fréquemment en pays antakarana et sakalava au Nord-ouest et en divers points de la côte Ouest. De la même origine est le terme « mahigo » employé chez les Sakalava pour désigner le manioc (« mangahazo » en merina). S'il est parfois difficile de situer dans le temps les emprunts au swahili, on peut néanmoins affirmer que pour ce dernier mot, l'emprunt remonte à environ quatre cents ans, au XVIe siècle puisque le manioc a été introduit par les Portugais sur la côte orientale de l'Afrique en provenance du Brésil). Sur la côte Est, on remarque dans le langage courant des mots d'origine française « quoique les habitants les considèrent bien de chez eux. Ces termes sont si bien entrés dans l'usage que les mots merina correspondants sont mal ou pas du tout compris ». Ainsi dans le Betsimisaraka du Sud, le haricot est désigné par « zarico », le merina « tsaramaso » n'étant pas compris dans les coins les plus reculés. La cuillère se dit « koera» et non « sotro ». L'emploi de ce dernier mot risque d'ailleurs de prêter à confusion car en betsimisaraka, il désigne l'action de couper de l'herbe avec un couteau. « Il s'agit de mots dus à la colonisation réunionnaise sur la côte Est et aux nombreuses relations entre cette région et les Mascareignes (Bourbon) depuis le XVIIIe siècle et surtout au XIXe siècle. » Le langage antanosy tel qu'il est rapporté par Flacourt, se caractérise au XVIIe siècle par l'emploi d'un certain nombre de mots d'origine arabe qui sont, depuis, presque tous tombés en désuétude. Ainsi, le mot « moza » (en arabe « maoûdj ») désigne la vague, le mot « farasa » (faras), le cheval. Le papier se dit encore « karatasy » par une exacte reproduction du mot arabe correspondant, alors que, depuis, la forme « taratasy » dérivée par assimilation s'est substituée à elle. Le terme « ampingaharatra » (fusil) est utilisé dans les dialectes de la côte Ouest et du Sud. « L'origine de ce mot se trouve dans le portugais espingarda (espingole). Une malgachisation s'est opérée à la suite des premières livraisons de fusils par les Portugais », le mot accompagnant l'arme dans sa diffusion progressive dans l'île. De la côte Ouest, il gagne les Plateaux à travers les migrations des Sakalava aux XVIIe et XVIIIe siècles. En revanche, dans la région nord-occidentale, on rencontre le mot « basy » ou plutôt- comme la forme en est attestée par de vieux documents- le mot « bosy ». Ce terme  est à rattacher au hollandais « buks », selon J. Dez. Ce dernier essaie d'expliquer en malgache un terme « basy » désignant des objets en fer ou le fer travaillé sous forme d'objet. Dans le Nord-est de l'île est apparu le mot « bosy » désignant le fusil. « Mais comme cette arme était essentiellement faite en fer, qu'elle a  même pu être considérée comme l'objet en fer par excellence en raison de son efficacité particulière, le mot basy pouvait être utilisé pour désigner cette arme. » J. Dez termine son étude en spécifiant que bien des mots posent encore des énigmes. « Il y a dans chaque dialecte des mots qui semblent lui appartenir en propre et dont les origines ne sont pas apparentes. » Et de se demander pourquoi le feu (« afo ») se traduit « bolo » en vezo; pourquoi les Betsimisaraka, notamment ceux du Sud, appellent « tokary » le tas de paddy fait dans la rizière avant son transport dans la maison... Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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