Énergie - L’électricité, une nécessité ou un luxe


La fourniture en énergie électrique demeure problématique dans la majeure partie de la Grande île. Avoir accès à l’électricité doit être une nécessité au lieu d’être un luxe comme actuellement. [caption id="attachment_61257" align="alignright" width="226"] La centrale à fuel lourd d’Ambohimanambola a amélioré
la capacité de la Jirama à ravitailler la capitale en électricité.[/caption] Le cinquième de la population mondiale n’a pas accès à l’électricité, soit près de 1.3 milliard de personnes dont près de la moitié vit en Afrique subsaharienne. L’énergie impacte le développement d’un pays. Les scientifiques affirment que le lien entre le développement et l’énergie a commencé depuis la domestication du feu, il y a plus de 500 000 ans, mais c’est surtout la création des moteurs mécaniques produisant de l’électricité qui l’a accéléré. Bien que l’électricité existe depuis plusieurs années dans d’autres pays, pour Madagascar, la première centrale hydroélectrique, celle d’Antelomita, n’a vu le jour qu’en 1908. En 2011, le secrétaire général des Nations unies de l’époque a lancé l’initiative « Énergie durable pour tous » dont un des trois objectifs est d’assurer, à l’horizon de 2030, un accès universel à des services énergétiques modernes, notamment l’électricité. Quelques années plus tard, le taux d’électrification à Madagascar stagne presque à 15%. Une question se pose, l’accès à l’électricité est-il vraiment une nécessité ou un luxe ? Dans l’ordonnance n°75-024 du 17 octobre1975 créant la Jiro sy Rano Malagasy (Jirama), un des trois objectifs de l’entreprise était « d’effectuer ou de faire effectuer sur toute l’étendue du territoire toutes opérations relatives à la production, au transport et à la distribution de l’énergie ». En 2017, la Jirama n’enregistre que 499 067 abonnés, qui ne constituent même pas les 20% des ménages malgaches. En milieu rural, seulement 5% de la population ont accès à l’électricité. Malgré la libéralisation du secteur de l’électricité et la mise en place de l’Agence de développement de l’électrification rurale (ADER), depuis 2004, ce taux n’a même pas augmenté de cinq points, dû en général par un manque d’effort de l’État d’y investir plus, stratégiquement et financièrement. Génération énergétivore Les besoins en électricité varient dans le temps, actuellement la consommation globale d’énergie à Madagascar est d’environ 1 700 GWh par an. En 2030, cette estimation sera de l’ordre de 7 900 GWh. Face à cela, bien que la Nouvelle politique de l’énergie (NPE) envisage d’électrifier jusqu’à 70% de la population à Madagascar à l’horizon de 2030, il est plutôt perçu, actuellement, que la croissance démographique prend l’avantage par rapport à l’augmentation du taux d’électrification. L’accès à l’électricité est classé comme étant un service public. C’est-à-dire que c’est par intérêt général que l’État, par l’intermédiaire d’entreprises privées ou de la Jirama, fait bénéficier à chaque ménage l’électricité. Mais, juste pour le raccordement, un ménage vivant avec le SMIC doit économiser jusqu’à près de six mois de salaire. Sans parler du temps d’attente pouvant atteindre des années avant d’être branché sur le réseau électrique. Il y a également le fait d’y avoir accès mais ne pas en profiter. En effet, 98% des ménages utilisent encore du bois de chauffe ou du charbon de bois pour la cuisson, des sources d’énergie qui pourraient impacter la santé des personnes dans le ménage. Avec un prix élevé actuel du coût du kWh, il est difficile pour un ménage à modeste revenu d’utiliser l’électricité autant qu’il veut, alors qu’avec un coût moindre de l’énergie, on pourrait également utiliser l’électricité pour la cuisson. [caption id="attachment_61260" align="alignleft" width="179"] Dans les régions ensoleillées, il faut privilégier la production
de l’énergie électrique par les panneaux solaires.[/caption] [caption id="attachment_61259" align="alignleft" width="175"] Antelomita est la première centrale hydroélectrique à Madagascar.[/caption] [caption id="attachment_61258" align="aligncenter" width="225"] Le panneau solaire est utilisé dans les marchés de brousse
pour recharger le téléphone portable.[/caption]     Accès limité à cause du faible revenu des ménages [caption id="attachment_61261" align="alignright" width="177"] La construction d’une petite centrale hydroélectrique contribue au « désenclavement électrique » de certaines localités.[/caption] Bien que certains ménages se trouvent à quelques mètres d’un poteau électrique, deux coûts affectent encore plus directement les clients, les empêchant d’avoir l’électricité chez eux. Tout d’abord, il y a le coût de raccordement, c’est-à-dire qu’à part le fait que le futur abonné doit effectuer des installations aux normes dans sa maison, il doit prendre en charge tous les coûts liés au branchement, notamment l’achat de poteaux, de la ligne principale (ou bout de ligne) jusque chez lui, les câbles, les différents pinces d’ancrage. Ce coût affecte à la fois les ménages urbains mais surtout les ménages ruraux, qui ont de faibles pouvoirs d’achat. Ensuite, la facture mensuelle. Depuis la tendance vers l’application de la vérité des prix sur le coût du kWh, les ménages urbains, clients de la Jirama, doivent payer beaucoup plus à cette société d’électricité qu’auparavant, alors que le revenu familial reste faible. Pour les ménages ruraux, avec des revenus irréguliers, payer le même coût pour la consommation d’électricité en période de récolte et en période de soudure est même parfois impossible. Ceci entraîne la diminution du nombre de clients de l’opérateur en milieu rural, pendant la période de soudure. [caption id="attachment_61262" align="aligncenter" width="353"] L’électrification rurale ne devrait pas être une utopie.[/caption] Perspectives - Des lueurs d’espoirs d’électrification de tout le territoire [caption id="attachment_61263" align="alignleft" width="193"] La lanterne solaire reste une solution à court terme pour un ménage en milieu rural.[/caption] Ces dernières années, des projets de grandes envergures voient le jour, que ce soit dans l’électrification urbaine ou l’électrification rurale. Avec la Jirama, deux projets, avec des producteurs indépendants, sont initiés depuis 2015. Il s’agit du projet Sahofika d’une puissance de plus de 192 MW dont l’adjudicataire provisoire est Eiffage, et le projet en consortium Jovena-Colas de Volobe d’une puissance de plus de 120 MW. Rien qu’avec ces deux projets, la Jirama atteindra presque le double de sa puissance de pointe actuelle. Sans prendre en compte deux autres projets, livrés clé en main, de grandes puissances, ainsi que des hybridations avec des productions solaires des quarante-cinq centrales autonomes, fonctionnant actuellement au diesel, dont la puissance totale est d’environ 65MW. Pour l’électrification rurale, les appels à projets (AP) de l’ADER vont accroître de manière exponentielle le taux d’électrification rurale. Deux séries d’AP sont maintenant lancées, la première pour les régions Sava, Sofia et Bongolava, et la deuxième pour les régions Anosy, Androy et Atsimo-Andrefana. Actuellement, l’ADER est déjà en train de préparer une troisième vague d’AP. Avec l’appui des partenaires techniques et financiers, l’État est en train de développer et d’améliorer plusieurs mécanismes incitatifs pour les investissements, privés en majeur partie, dans le sous-secteur de l’électricité. D’abord, sur la base de la Nouvelle politique de l’énergie de 2015, la loi n°2017-021, portant réforme du Fonds national de l'électricité (FNE) qui devient Fonds national des énergies durables, a été adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, et entérinée par une décision de la Haute cour constitutionnelle, en décembre 2017. Ensuite, la loi n°2017-046 portant Code de l’électricité a été adoptée par le Parlement. En fait, la réforme de la Jirama entre dans le cadre du Projet d'amélioration de la gouvernance et des opérations dans le secteur de l'électricité. Par ailleurs, la visibilité de celui-ci est améliorée aux niveaux national et international par l’Economic development board of Madagascar (EDBM) grâce à plusieurs outils de communication. Un système d’information énergétique, actuellement en cours au niveau du ministère de l’Eau, de l’énergie et des hydrocarbures, est mis en place afin d’assurer la transparence du secteur de l’électricité. La plateforme public-privé est officialisée dans l’électrification rurale pour que les attentes des deux parties puissent être partagées. Le coût des deux grands projets avec les producteurs indépendants étant estimé à plus de 1.3 milliards d’euros. Sûrement, avec tous ces mécanismes, une fois fonctionnels, l’accès à l’énergie durable à l’électricité ne sera plus un rêve pour les Malgaches à revenus modestes. Mais en attendant, mettons à côté nos lampes de poche et les bougies. Page réalisée en collaboration avec le GRE. Contact: gre@gre.mg Site : www.gre.mg Facebook : https://www.facebook.com/Groupe-de-Réflexion-sur-lEnergie-GRE Photos : Archives de l’Express de Madagascar – Groupe de réflexion sur l’énergie  
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