Des indigènes astreints à avoir un passeport sanitaire


Faranirina V. Esoavelomandroso, dans une étude sur l’épidémie de peste urbaine dans la capitale, en juillet 1921, souligne les différentes mesures prises pour circonscrire la maladie. Un cordon sanitaire est établi autour des grandes villes, surtout d’Antananarivo et des peines d’emprisonnement décidées pour ceux qui essaient de sortir « clandestinement » des zones contaminées (lire précédente Note). « À l’intérieur de la capitale, les quartiers touchés par l’épidémie sont isolés par un réseau de fil de fer. Mesure gênante, car il est impossible aux autres membres de la famille de rendre visite à leurs malades ou de leur apporter une aide matérielle alors que l’administration ne se révèle pas toujours efficace sur ce plan. » Dans les campagnes, sous des aspects moins stricts, les dispositions sont en réalité beaucoup contraignants. « Les membres du fokonolona doivent assurer la surveillance du cordon matérialisé par un simple fil de raphia. » Parallèlement, durant l’épidémie de juillet 1921, si indigènes et Asiatiques sans exception se voient interdire toute sortie de la capitale, les Européens bénéficient d’une autorisation de circuler après dix jours d’observation. « La pression des négociants européens de Tananarive est plus déterminante que les considérations d’hygiène dans la mise au point du contrôle des déplacements en pleine période d’épidémie. » Ce que l’élite malgache constate sachant les démarches entreprises par la Chambre de commerce de Tananarive, et l’information risque de se propager rapidement par une population en état d’alerte, et d’y créer un malaise. Une fois que le cordon sanitaire est levé en août 1921, les Européens peuvent se déplacer librement. « Les indigènes, eux, doivent être munis d’un passeport sanitaire délivré sur présentation d’un certificat de vaccination antipesteuse. » Et pour les Malgaches, ce document ressemble à la carte de paiement des impôts ou le livret individuel. « Il s’agit d’un papier supplémentaire qui permet à l’administration de dépister les irréguliers et les vagabonds. » Ce contrôle est maintenu dans les années suivantes. Le Malgache qui veut se déplacer en train, subit toute une série de tracasseries administratives. Il doit se faire vacciner (refusé en général par la population locale), passer au bureau du chef de canton muni de certificat de vaccination pour obtenir le passeport qui mentionne le lieu de résidence, l’itinéraire et le lieu de destination. À la gare, le guichetier reçoit l’ordre de ne délivrer le billet que sur présentation du certificat de vaccination et du passeport. Une fois encore, pour échapper à ce contrôle, les Malgaches recourent à différents subterfuges, « les contradictions du système colonial leur en offrant la possibilité ». Payant plus cher, ils achètent un billet de 2e classe, le certificat médical étant exigé des seuls travailleurs de 3e classe. Sinon, ils se déplacent plus souvent en auto, se soustrayant ainsi à l’obligation du passeport administratif. « Et d’ailleurs, les responsables directs constatent une diminution extrêmement sensible des indigènes transportés par train et réclament un assouplissement des mesures. » À partir d’octobre 1930, le passeport administratif n’est plus exigible des personnes venant des régions contaminées, ni de celles circulant entre la capitale et les localités d’Ambohidratrimo, Manjakandriana, Ambatolampy. En décembre 1931, la libre circulation entre Antananarivo et Antsirabe est instituée. En 1932, « tous les indigènes, en bon état de santé, peuvent se déplacer librement entre les districts de Tananarive-ville et banlieue, Ambatolampy, Antsirabe, Manjakandriana, Ambohidratrimo, ainsi qu’à l’intérieur de ces districts ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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