De Sankara à Sennen


À la Une de Jeune Afrique, une image mythique de Sankara en treillis. Les activistes du monde entier et surtout ceux du continent africain se passent le mot : il faut à tout prix avoir cette édition car il consacre son dossier à cet homme, cette légende. « Qui a tué Sankara ? Retour sur une affaire d’État, 30 ans après… » Quoi de plus alléchant ? Première page du grand dossier, un nom qui me fait sursauter. Je feuillète, je cherche dans tout le magazine sans avoir plus de réponse. Sennen Andriamirado. Au premier coup d’œil, je me disais que c’est vraiment super, que ce soit un Malgache qui a fait tout le dossier. Mais je me rends compte que ce n’était pas Sennen. Il a « juste » été l’auteur des premiers paragraphes. Mais qui est donc ce Malgache qui est une référence quand on parle de « captain Africa » ? Inculte que je suis, je ne connais même pas ce « mien » qui est pourtant dans la bouche de tous les Sankaristes. « Thomas Sankara : derniers instants, derniers témoins, derniers secrets… » une photo du leader de la révolution burkinabè assassiné le 15 octobre 1987 avec un homme mince, cigarette à la main. C’est lui Sennen Andriamirado rédacteur en chef de Jeune Afrique à cette époque. Il aurait été un intime de l’icône. En tapant ce nom sur le net, l’ignorante que je suis, tombe des nues. Sennen, un malgache connu partout dans le monde pour avoir écrit de magnifiques ouvrages sur Sankara. Ndèye Fatou KANE une grande écrivaine décrit si bien ses œuvres : « Qu’a donc pu écrire Sennen Andriamirado sur Sankara que je n’aie déjà lu ? Sans avoir la prétention d’avoir lu tous les livres écrits sur le célèbre capitaine burkinabé (et Dieu sait qu’il en existe une pléthore !), je peux dire que j’en ai lu une bonne quantité, curieuse que j’étais – et je le suis toujours – d’en savoir plus sur la vie et l’œuvre de Sankara. » Puis elle brosse, elle met l’accent sur la différence, le plus que Sennen a, le plus que Sennen a donné. « Toutes les biographies écrites sur Thomas Sankara ont ceci de commun qu’elles ne brossent pas le portrait d’un homme dépourvu de défauts, lisse et exemplaire … Comme on peut le voir dans certaines bio­graphies, qui omettent délibérément certaines phases de la vie du “sujet”. Chacun des livres que j’ai eu à lire sur le Capitaine Sankara mettent l’accent sur l’objectivité, au cœur de la narration. Sankara, le rebelle ne déroge pas à cette règle. (...)Sennen Andriamirado s’attelle à nous dépeindre un homme mû par un idéal – la Révolution – mais avec ses failles et manquements. » Sennen a au moins à son actif deux grands ouvrages. « Il s'appelait Sankara » édition Jeune Afrique Livres, 1987 ; « Sankara, le rebelle » de la même édition, 1987 et réédité en 1989. À la fois heureuse et triste de connaître ce grand nom Malgache. Heureuse de savoir que l’un de « nous » a un jour côtoyé et très sûrement influencé ce rebelle de Sankara. Triste de voir que nul n’est prophète en son pays. Nous qui sommes en manque de héros, nous ne connaissons même pas Sennen. Triste de savoir que nos jeunes ne connaissent que très peu Sankara et encore moins Andriamirado. Par Mbolatiana Raveloarimisa
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