Une Loi-cadre anticonstitutionnelle


Après cinq années difficiles marquées par un désarroi moral, politique et des difficultés économiques, la vie politique reprend en 1953, dans la Grande ile, pour aboutir à la proclamation de la République en octobre 1958, suivie de celle de l’Indépendance en juin 1960. Tout commence par une « évolution nouvelle ». À l’Assemblée nationale (française s’entend), de 1951 à 1956, le député du premier collège, Roger Devreau, réclame l’égalité entre Français et Malgaches. Il devient secrétaire d’État à l’Outre-mer sous le ministère de Mendès-France en 1954, et les premières amnisties interviennent. « Dans le cadre de l’Union française, le concept d’un État malgache constitue la solution fédérale, et progresse dans les milieux européens de l’ile » (ouvrage sur l’Histoire de Madagascar pour les Classes Terminales, 1967) Parallèlement, en octobre 1954, le haut-commissaire André Soucadaux, arrive à Antanana­rivo au moment de la mise en route du plan quinquennal. Passionné par la culture du coton, il donne une nouvelle impulsion aux travaux d’études et de mise en œuvre des possibilités du Bas-Mangoky. En fait, « la conquête rizicole de l’Alaotra, le développement des sisaleraies du Mandrare qui ralentit la migration des Antandroy, correspondent au souci de développer la production». Et surtout, suivant l’œuvre de son prédécesseur, le haut-commissaire continue la réorganisation de la vie rurale. Les CRAM, sorte de communautés rurales agricoles (une vingtaine en 1955) réussissent mieux sur les Hautes-terres où elles reposent sur l’ancienne organisation des fokonolona. Sur le plan politique, le ralliement des Malgaches se produit à partir de 1953, grâce à l’action d’un enseignant, Philibert Tsiranana. Né vers 1912 dans le district de Mandritsara, ce fils de paysan obtient à 20 ans, son diplôme d’instituteur officiel à Antananarivo. Douze années plus tard, reçu au concours du cadre des professeurs-assistants, il part pour la France en 1945 afin d’achever ses études. Il rentre au pays en 1949 et devient professeur d’enseignement technique à Antananarivo. « Resté proche de son pays où il enseigne, il jouit de la confiance de tous. » En mars 1952, il devient conseiller provincial de Mahajanga et représentera cette province à l’Assemblée représentative. « Son expérience de terrien, sa carrière, sa connaissance de la France, son activité lui confèrent un grand ascendant sur ses concitoyens. » En 1956, il fonde le Parti social-démocrate, dont il est le secrétaire général. « Sa modération et son bon sens le placent très vite au centre de ce courant d’idées réaliste fait de nationalisme et de prudence toute paysanne. » Il se présente aux législatives la même année et est élu dans la deuxième circonscription (côte Ouest), tandis que le deuxième collège malgache choisit Roger Devreau. En France, les élections législatives donnent aux partis de gauche une position plus forte. Dans le gouvernement de Guy Mollet, Gaston Defferre, socialiste comme ce dernier, occupe le ministère de la France d’Outre-mer. En juin 1956, l’Assemblée vote la Loi-cadre élaborée par Gaston Defferre, qui transforme l’organisation politique interne des territoires d’Outre-mer. À Madagascar, la Loi-cadre met en place un nouvel édifice organisé sur la division provinciale de la Grande ile. Les auteurs de l’ouvrage citent les changements apportés. À commencer par le suffrage universel qui est proclamé. Les assemblées seront désormais élues par tous les citoyens réunis en un collège unique. Et les femmes votent. Une sixième province est créée, celle de Diego-Suarez, six Assemblées provinciales traitent les questions à l’échelon de leur circonscription. Une Assemblée législative, « émanation de toutes les régions de l’Ile », siège à Antananarivo. Consultative, elle n’a en principe aucune attribution politique précise, mais exerce des prérogatives administratives. Huit ministres, élus par l’Assemblée législative, forment le Conseil de gouvernement de Madagascar. Ils désignent le vice-président, Philibert Tsiranana, le haut-commissaire, André Soucadaux, étant président de droit. La République française conserve « les ministères d’intérêt général », à savoir la politique étrangère, la police intérieure, les finances, la monnaie… » La Loi-cadre qui n’est pas l’instrument juridique d’une révolution, contredit pourtant l’esprit de la Constitution de 1946, en préparant le fédéralisme. « Le chemin de l’autonomie était largement ouvert dans la mesure où l’Assemblée législative territoriale pourrait devenir un véritable Parlement. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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