Antananarivo, une capitale ville-champignon


La fièvre de bâtir s’empare d’Antananarivo, dès 1863, pour satisfaire sa population locale : 55 000 habitants en 1901, 70 000 en 1925, 163 000 en 1946 et environ 200 000 en 1955. Architectes européens de métier ou improvisés, tels Gros, Laborde, Cameron, Sibree, le frère Gonzalvien et autres maitres-maçons autochtones, formés à leur école, bâtissent sur les collines de la ville, les maisons et édifices qu’elle comporte près d’un siècle plus tard. Dans le Bulletin de Madagascar N°113, d’octobre 1955, on peut lire que c’est le Palais de la Reine, Manjakamiadana, dans Anatirova, qui commande l’ensemble, tandis que celui du Premier ministre plus en aval au nord, à Andafiavaratra, et les demeures des anciens dignitaires coiffent tout le reste. « Cependant, la délégation du pouvoir spirituel donnée au christianisme, lors de la conversion en masse des princes et de la population, explique l’occupation des cimes par les temples et les églises. » Bref, la hiérarchie est toujours respectée: le doyen des monuments de Tananarive est le tombeau de l’ancien Premier ministre Rainiharo à Isotry, construit par Jean Laborde, en 1835. En 1898, la rue Guillain s’ouvre, descendant du carrefour d’Ambohijatovo vers la Place Colbert à Antaninarenina et à la Résidence d’Ambohitsorohitra. Sur la croupe de Faravohitra, l’avenue La Bourdonnais (plus tard George V) construite dès 1896, est doublée par la rue Gallieni, inaugurée à la fin de 1904. En 1897, sur la Place Jean Laborde à Andohalo, se tient le premier concert de musique militaire. En 1905, les pentes Sud-Est d’Isoraka sont aménagées en parc et annexéesau Palais du gouvernements. Le 1er octobre 1910, la première locomotive arrive devant le débarcadère provisoire, la gare de Soarano n’étant ouverte à l’exploitation que le 21 novembre suivant. La même année, M. Delpech trace l’avenue Fallières (plus tard de La Libération, puis de l’Indépendance) et M. Savaron l’établit. En 1913, on commence à paver les rues et on commande des plaques de signalisation. En 1915, la même artère qui traverse le centre-ville s’orne déjà de ses massifs de verdure, mais n’est pas encore bâtie, non plus que l’avenue de La Réunion. Mais sur la face Sud-Ouest de la Place Colbert, s’amassent à côté de la Poste d’Antaninarenina, plusieurs bâtiments très fréquentés : le Comptoir national d’escompte, les bureaux du Trésor public, ceux des Mines et des Domaines. « En réalité, il y a une crise de logements au début du XXe siècle avec l’afflux des Européens et des Malgaches, bien que 8 806 permis de bâtir aient été délivrés au 1er octobre 1903. On compte, de 1950 au 31 juillet 1955, 6 156 permis de bâtir et 4 202 maisons ont été effectivement construites. » Par ailleurs, la circulation devient active dès 1898. Antananarivo ne compte alors qu’une quarantaine de charrettes à bœufs, une voiture de plaisance et une douzaine de bicyclettes. La première de celles-ci apparait à Andohalo en 1896 et, dès 1902, les Malgaches de la ville en ont déjà plus de deux cents. Le boulevard circulaire est « perfectionné », axe où, dès 1898, Gallieni fait sa promenade quotidienne. Les travaux du tunnel Garbit, entamés en 1914, s’achève dix ans plus tard. Une commission d’urbanisme se crée en 1918. C’est l’architecte de la Colonie, Géo Cassaigne, qui est chargé de présenter un plan d’ensemble pour l’aménagement et l’assainissement de la capitale. Il faut toutefois attendre une dizaine d’années pour que soit élaborée la législation nécessaire, « celle qui doit permettre, en particulier, l’expropriation pour cause d’utilité publique et le contrôle sanitaire ». L’exécution, d’abord laissée à la charge des budgets locaux, bénéficie du « grand emprunt colonial voté par le Parlement français » en 1930. En 1948, la main-d’œuvre d’Antananarivo délivre près de 40 000 cartes grises aux voitures en état de marche et environ 9 000 autres sont immatriculées la même année. Au 15 aout 1955, 17 720 véhicules sont en circulation. Les services publics d’autobus urbains transportent chaque mois 130 000 à 140 000 passagers. Le tunnel Cayla, aujourd’hui tunnel d’Ambanidia, est mis en service en 1938. Les faubourgs s’allongent suivant les grandes routes. À l’ouest, sur celles de l’abattoir et de Miarinarivo. Au-delà d’Antanimena sur celle de Mahajanga, au nord. Sur celle d’Ambohimanga et sur la digue de Besarety qui franchit le marais de l’Est, en direction de Toamasina. Dans les quartiers d’Isotry et d’Ambondrona, la densité à l’hectare atteint deux cents voire trois cents habitants. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Agence nationale Taratra
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