Un roi plein de mansuétude et de tolérance


«Extrêmement affable, de conversation agréable, d’une grande richesse, manifestant beaucoup de curiosité, Rakoto-Radama a environ 5 pieds de taille (environ 1m52), son allure est engageante. Il a des yeux perçants, de couleur olive. Il n’est ni hautain, ni orgueilleux, ni vaniteux. Il déteste la flatterie. » Après avoir esquissé le portrait de Ranavalona Ire, Simon Ayache présente celui de son fils unique, le prince Rakoto. Portrait, non signé, mais accompagné d’une lettre de Rahaniraka, le jumeau de Raombana, datée du 5 février 1862, et paru dans The Antananarivio Annual and Madagascar Magazine de Noël 1900. Le prince Rakoto monte sur le trône, le 16 aout 1861, quand sa mère tourne le dos. « Il fut couronné par l’amour des Malgaches », car ses sujets le saluent comme leur libérateur du tanguin « introduit en Imerina et utilisé en justice par Andriamasinavalona qui régna vers la fin du XVIe siècle », précise Lucile Rabearimanana. Les premières décisions du nouveau roi sont de soulager ses sujets des « dures corvées », de promulguer une loi par laquelle il renonce à tout droit de douane sur les marchandises importées et exportées afin d’encourager la production et le commerce « dans son beau pays ». L’auteur du portrait estime ainsi que, comme Radama ne perçoit aucun droit de douane d’où il tire ses principaux revenus, il serait juste que le gouvernement et les commerçants britanniques lui offrent une compensation. Car « son principal but, en agissant ainsi, est d’encourager les métiers et le commerce dans son pays et de permettre aux étrangers de tirer profit de sa décision ». En outre, « toutes les différentes tribus qui détestaient les Hova et ne s’étaient jamais soumises aux souverains précédents, éprouvent une telle confiance en lui qu’elles s’empressent maintenant de faire acte d’allégeance, car un tel souverain mérite, à juste titre, le surnom de Grand pour avoir libéré son pays de l’ignorance, de la misère qui le hisse au rang des nations civilisées », poursuit l’auteur du panégyrique. Et d’enchainer que sous un tel roi, « Madagascar bientôt fourmillera d’innombrables étrangers venus de tous pays qui, avec ses sujets, le salueront comme leur père et leur protecteur ». Son attitude vis-à-vis des pays étrangers se traduit par une confiance en l’Europe, trompée mais moins naïve cependant qu’il ne parait, dans la mesure où l’auteur éloigne toute idée de colonisation en supposant, selon une tradition malgache séculaire, assimiler à son peuple et sujets du roi de Madagascar, les étrangers accueillis dans le pays. L’auteur du portrait donne un autre exemple de mansuétude du « grand Radama II », en évoquant le complot de Ramboasalama. Neveu de Ranavalona Ire, ce dernier est d’abord désigné par celle-ci comme son successeur dans les premiers jours de son règne. La reine cache longtemps sa décision de céder le trône à son fils unique. Ainsi, Ramboa­salama et ceux que l’on soupçonne d’être ses complices sont tout simplement éloignés d’Antananarivo après jugement. Car sans son intervention, ils seraient tous exécutés et leurs biens confisqués pour trahison et par crainte de troubles, selon les réclamations des officiers supérieurs et notables. Commentant ce portrait qui, pour lui, est l’œuvre de Rahaniraka, Simon Ayache met l’accent sur l’exagération. « Somme énorme de flatteries ? Document de propa­gande ? », ces éloges partent de sentiments très profonds, spécifie-t-il. Le but étant d’attirer la sympathie des étrangers à l’égard d’un prince qui a déjà gagné l’amour de ses sujets. C’est pourquoi, continue-t-il, Rahaniraka insiste si fortement sur la bonté de Radama II, sa générosité, sa tolérance, son amour de la paix et de la justice, sa haine de la tyrannie et de toute cruauté. Et « c’est pourquoi, il rappelle aussi bien son dévouement à la cause des chrétiens persécutés que son engagement en faveur du libéralisme économique ». Ce qui expliquerait la Charte Lambert, une des raisons qui le conduisent à sa perte, à sa mort précoce. La Charte, si avantageuse pour le commerce français, est signée en septembre 1862, même si ses dispositions sont connues bien avant. Et en fait, estime Simon Ayache, la compensation suggérée par l’auteur devrait être réclamée au gouvernement français. Mais pour l’auteur, le gouvernement britannique étant « champion de toutes les vertus morales ou économiques », il peut offrir à Radama II pour son libéralisme commercial comme il en a accordé à Radama Ier pour l’abolition de la traite d’esclaves. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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