L’art au-delà de l’amusement


Tambour battant les propagandistes investissent les rues et ruelles avec des sonorisations criantes pour rameuter la foule ou pour faire tourner la tête aux passants. Plus que jamais, vu le ras-le-bol général, il faut miser sur les publicités pour avoir l’attention et/ou l’intention de vote des trop peu de Malgaches qui pensent réellement aller voter. Pas étonnant que le pro de la communication a misé un sacré pactole dans la vente de son produit fallacieux. Au moins lui, il a le mérite de savoir comment endormir la masse par l’amusement, les shows à couper le souffle, par la manipulation des sentiments et de l’argent. Période électorale rime avec spectacle gratuit. Et toutes les sauces sont permises. On se souvient encore de cet homme d’église qui parlait ô bien mal de ce « monde de païens », de ses manières profanes. Ô combien il injuriait saintement ces musiques du monde, ces femmes qui seraient à moitié nues sur scène, ces rythmes endiablés à faire danser les plus saints des anges. On ne peut aussi oublier ses propos concernant le sabbat, le samedi jour saint que nous pauvres ignorants passons à faire nos activités de déboires au lieu de vaquer aux travaux de sa sainteté le pasteur. Apocalypse ! Le même pasteur, devenu candidat et qui se dit pourtant apolitique organise une fête païenne, un samedi en payant grassement des artistes qui sont loin d’avoir des chansons de dévotion et des jupes jusqu’aux mollets. À la guerre comme à la guerre ? On dit qu’au moins cela fera l’affaire pour les artistes. Précisions, pour les chanteurs et chanteuses et non pas les artistes. Car l’art n’est nullement juste chanter. L’art englobe tellement de disciplines de la poésie à la danse, de la sculpture au slam, de la peinture à des formes que l’on ne peut même pas décrire. À Madagascar se dit artiste celui qui des fois pousse des cris de canard en train d’être égorgé en espérant la célébrité sans en avoir ni la fibre ni l’onction. Certes, l’art s’apprend, s’entreprend, se cherche, s’affute. Mais très peu, trop peu de jeunes comme de vieux talents émergent grâce à leurs efforts. On constate que pour être apprécié et exercer en tant qu’artiste, nos talents doivent fuir. Pas assez d’espaces dans un texto pour citer tous ceux qui sont à l’extérieur, qui sont des références mondiales mais qui ont dû « fuir » pour vivre de leurs arts. Il y a aussi ceux qui ont décidé de rester mais qui mènent une bien difficile bataille pour pouvoir être artiste, réussir leurs projets et pouvoir avoir un sens du patriotisme. En cette période de campagne électorale, ceux qui se vendent sont trop nombreux. Aujourd’ hui amusant la galerie ici, demain faisant vibrer les badauds là-bas, après-demain haranguant la foule pour voter celui-ci. Tellement de chanteurs sont devenus au fil des élections des amuseurs de foule sans avoir des idéologies claires à part le mot d’ordre de l’argent. Et pourtant, le chanteur doit avant tout être un passeur de messages. Certains n’ont visiblement d’autres messages que leurs derrières se trémoussant sur scène et le cachet qui va avec à la fin du spectacle. Pourtant ailleurs, les artistes, notamment des chanteurs apparaissent aux côtés de candidats non pas pour être achetés (certes, ça existe aussi ailleurs) mais pour se positionner par rapport à des idéologies politiques, des programmes, des idées, des intérêts plus grands que la chose sonnante et trébuchante. L’art peut être un fort moyen pour véhiculer des messages, des convictions. Il peut aussi être des appels à rassemblement, à soulèvement, à réveil, à éveil, à mobilisation. Par contre il peut également être un opium dangereux d’abêtissement de masse, d’endormissement de la foule par l’amusement. Un très grand respect à ces rares grands artistes qui se sont engagés à rallier des candidats pour soutenir leurs idéologies. Un grand respect pour ceux qui ont refusé des sommes astrono­miques et qui ne vont pas faire campagne cette année pour des raisons patriotiques.
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